UNE NOUVELLE famille de médicaments destinés au traitement des troubles du sommeil pourrait prochainement voir le jour. Une équipe suisse vient de démontrer qu'il est possible de promouvoir l'endormissement en bloquant les récepteurs cérébraux à l'orexine.
L'orexine est connue pour son rôle de stimulateur de l'appétit, mais elle est aussi impliquée dans la régulation du cycle veille/sommeil. Ce neuropeptide hypothalamique participe au maintien de l'éveil. La dysfonction des voies orexinergiques est d'ailleurs à l'origine de la narcolepsie.
L'idée d'inhiber la transmission orexinergique pour induire une baisse de la vigilance propice au sommeil n'est pas nouvelle. Cependant, la majorité des scientifiques pensaient que cette stratégie présentait un risque trop important d'épisodes de cataplexie, ces impressionnants accès de faiblesse musculaire déclenchés par les émotions chez de nombreux patients narcoleptiques. Brisbare-Roch et coll. ont tout de même tenté l'expérience, et le jeu en valait la chandelle.
Les chercheurs suisses ont réussi à identifier un puissant antagoniste sélectif des récepteurs à l'orexine OX1 et OX2. Cette molécule est un dérivé de la tétrahydroisoquinoline. Elle est naturellement capable de franchir la barrière hémato-encéphalique et présente l'intérêt d'être active, même administrée par voie orale.
Une diminution de la vigilance des animaux.
Les chercheurs ont commencé par évaluer ces effets dans le modèle expérimental du rat. Les rongeurs ont reçu entre 10 et 300 mg/kg de la substance, puis leur comportement, leurs activités musculaire et cérébrale ont été suivis pendant les douze heures suivantes. Une diminution de la vigilance des animaux ainsi qu'une réduction de leur activité ont pu être observées dès la première heure suivant l'administration de la molécule. En revanche, aucune modification du tonus musculaire associée à des épisodes de cataplexie n'a été observée.
Des enregistrements encéphalographiques ont en outre permis de caractériser l'architecture du sommeil des rats traités. Ces données montrent que le blocage des récepteurs à l'orexine conduit à un allongement du sommeil lent et du sommeil paradoxal à mouvements oculaires rapides (ou REM pour Rapid Eye Movement). Les traitements classiques de l'insomnie agissent, quant à eux, en augmentant la durée du sommeil lent, mais en diminuant celle du sommeil REM.
Des résultats similaires ont ensuite été obtenus chez le chien. L'administration de la molécule antagoniste des récepteurs à l'orexine entraîne une hypomobilité et une augmentation du temps passé dans la position adoptée par ces animaux lorsqu'ils souhaitent dormir. Là encore, le traitement n'a entraîné aucun événement d'effondrement du tonus musculaire.
Brisbare-Roch et coll. ont alors poursuivi leur étude au cours d'un essai de phase I, conduit en double aveugle chez 70 jeunes hommes en bonne santé. Les volontaires ont été répartis en neuf groupes : un groupe de témoins négatifs qui ont reçu un placebo (n = 14), un groupe de témoins positifs qui ont reçu un traitement hypnotique de référence (modulateur des récepteurs GABA, n = 14) et sept groupes (7 x n = 6) qui ont permis d'évaluer la tolérance à différentes doses de l'antagoniste (1, 5, 25, 100, 200, 400 et 1 000 mg). Les différents traitements ont été administrés aux participants le matin, à l'issue d'une bonne nuit de sommeil réparateur.
Aucun signe de cataplexie.
Aucun effet secondaire sévère n'a été constaté dans les différents groupes de volontaires. Toutes les doses testées se sont révélées bien tolérées. Aucun signe de cataplexie n'a été observé ou rapporté par les volontaires.
Une baisse significative de la vigilance a été notée chez les participants qui avaient reçu 400 ou 1 000 mg d'antagoniste. Cet effet apparaît dès la première heure suivant l'administration de la molécule. Il est maximum au bout de deux heures, puis diminue progressivement. Les sujets retrouvent leur état de vigilance de départ au bout de six heures.
Des expériences complémentaires devront être menées pour étudier l'effet de l'antagoniste d'OX1 et d'OX2 sur l'architecture du sommeil humain. Si, comme dans le cas du rat, cette nouvelle molécule allonge non seulement le sommeil lent, mais aussi le sommeil paradoxal, il est possible que son effet hypnotique s'accompagne d'effet bénéfique sur la fonction mnésique. Cette possibilité est actuellement testée au cours d'un essai de phase II.
Brisbare-Roch et coll., « Nature Medicine », février 2007.
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