L A perception du son musical requiert à la fois l'oreille, qui reçoit les signaux auditifs, et le cerveau, qui traite les signaux auditifs reçus et produit une note perçue. Les mécanismes moléculaires qui interviennent dans cette perception restent largement obscurs.
Une approche pour comprendre ces mécanismes est de recourir aux méthodes génétiques qui exploitent la variation naturelle entre les individus. Si cette variation est due à des facteurs génétiques, les études de liaison et de clonage positionnel devraient identifier des gènes qui codent pour des composants de l'appareil de perception de la note.
L'équipe du Dr Dennis Drayna (National Institute on Deafness and Other Communication Disorders, National Institute of Health, Rockville, Maryland) a conduit une étude chez des jumelles, pour examiner la part génétique par rapport à l'environnement dans la faculté de reconnaître des notes de musique.
L'étude porte sur 136 paires de jumelles monozygotes et 148 paires de jumelles dizygotes, recrutées en Angleterre dans le cadre d'une grande étude des facteurs génétiques des maladies complexes courantes. Toutes les jumelles, au sein de chaque paire, partagent le même environnement, mais seules les « vraies » jumelles partagent les mêmes gènes. Il est ainsi possible de distinguer l'effet de l'environnement partagé de celui des gènes partagés.
Les chercheurs ont demandé aux jumelles (âge moyen : 50 ans) d'effectuer un « test des fausses notes » qu'ils ont mis au point. Les chercheurs avaient déjà montré que la performance à ce test est la même chez les hommes que chez les femmes et ne change pas chez un même individu (reproductible).
« La Marseillaise », par exemple
Les jumelles ont écouté un CD enregistré par les chercheurs, qui contient vingt-six mélodies courtes, simples et populaires, de 12 à 26 notes, extraites, par exemple, de la « Cucaracha » et de « la Marseillaise » ; 9 sont jouées normalement et 17 contiennent des fausses notes (de 2 à 9 notes légèrement fausses). Les jumelles indiquaient si la mélodie était fausse ou juste. Le test est coté de 26 (26 bonnes réponses) à 0. Les chercheurs ont comparé le résultat entre les deux jumelles de chaque paire. La corrélation du résultat au test est trouvée chez 67 % des monozygotes et 44 % des dizygotes.
Après analyses, les chercheurs estiment que l'héritabilité de cette faculté est de 71 % ; lorsque les individus sont classés en deux groupes : ceux qui ont une reconnaissance normale (26 à 24) et ceux qui ont un déficit (23 ou moins), l'héritabilité est estimée à 80 %.
Les jumelles ont aussi été soumises à un test auditif de cinq minutes (FMHT), qui permet de dépister une perte de l'audition périphérique. Le résultat du test des fausses notes est le même dans le groupe qui entend bien que dans celui qui a présenté un déficit de l'audition. La perception de la note musicale serait donc indépendante de l'audition.
« Ces résultats, concluent les chercheurs, suggèrent que la variation dans la reconnaissance de la note musicale est principalement due à des différences hautement transmissibles dans les fonctions auditives non testées par les méthodes audiologiques conventionnelles. »
« Science » du 9 mars 2001, p. 1969.
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