LE CONSEIL NATIONAL de l'Ordre des médecins (Cnom) analyse, dans une étude détaillée, les « spécialités en crise » démographique. En médecine générale, l'Ordre constate que l'effectif total des omnipraticiens (tous exercices confondus) inscrits au tableau au 1er janvier 2005 était de 104 556, en progression de 0,8 % par rapport à 2004.
Mais ils sont seulement 93 590 en activité régulière. Il convient de soustraire de ce total plus de la moitié des praticiens adjoints contractuels (PAC) exerçant à l'hôpital, « qui n'ont pas demandé ou obtenu leur qualification de spécialistes, et qui sont de fait répertoriés comme généralistes ». Il en va de même pour un nombre élevé de praticiens issus de l'ancien régime des études médicales, exerçant comme hospitalier ou hospitalo-universitaire, « initialement inscrits comme généralistes et qui n'ont pas pris soin de régulariser ou de faire rectifier leur situation d'exercice ». Sans oublier un nombre non négligeable de médecins généralistes qui, ayant acquis une compétence réglementaire et exerçant dans la spécialité considérée, ne sont plus en réalité des généralistes. Le Cnom ne chiffre pas le nombre de ces médecins qui ne devraient plus figurer dans le décompte des généralistes.
Six mois de plus en moyenne.
L'âge moyen des MG s'établit à 44,9 ans pour les femmes et 49,1 pour les hommes, soit six mois de plus en moyenne qu'en 2004. La féminisation de la profession ne se dément pas : au 1er janvier 2005, les femmes représentaient 39,4 % des généralistes en activité. Mais elles sont aujourd'hui majoritaires chez les MG de moins de 40 ans. Surtout, la répartition géographique des généralistes confirme la césure nord-sud, à l'exception du bassin parisien. Avec des inégalités notables : si la densité médicale moyenne est de 174,3 généralistes pour cent mille habitants, elle passe à 142 pour la région Centre et bondit à 192 pour l'Ile-de-France et même 205 pour la région Paca.
Si bien que, pour l'Ordre, « la médecine générale est en crise, en particulier son secteur libéral ». D'autant que l'institution précise que les calculs de densité ne prennent pas en compte le temps médical disponible.
Le ton de l'étude devient plus revendicatif lorsqu'elle aborde la désaffection de la filière de médecine générale. Selon l'Ordre, cette désaffection s'explique par « une franche régression du bénéfice de l'exercice libéral de la médecine générale : ce bénéfice a diminué en moyenne de 3 900 euros entre 2003 et 2004 ». Il s'explique aussi par les contraintes horaires de l'exercice, les contraintes de la PDS, la multiplication des tâches administratives non rémunérées ou encore « les entretiens confraternels » avec les médecins-conseils.
Côté remèdes, l'Ordre plaide pour « une amélioration des conditions matérielles d'exercice »: nouvelle organisation de la PDS, délégation de tâches, nouveaux modes d'exercice, dont le collaborateur libéral, exercice en sites distincts ou en groupe. L'Ordre insiste sur la nécessité de « la prise en compte, dans la valeur de l'acte, de la réalité des coûts et charges de fonctionnement des cabinets ». Faute de quoi, on continuera à assister à « la fuite des étudiants et des médecins en exercice vers d'autres exercices, salariés et hors médecine de soins ».
Spécialités : inégalités parfois marquées.
Même tonalité ou presque pour les autres spécialités étudiées. Pour les anesthésistes, le Cnom note le vieillissement de la population, conséquence de la « forte croissance de leur nombre jusqu'à la fin des années 1980 ». Si l'âge moyen était de 42,8 ans en 1989, il atteint 48,6 ans en 2005. Quant à la féminisation, elle régresse, passant de 39 % en 1989 à 35,7 % en 2005. La répartition géographique reste contrastée entre le Nord et le Sud, mais l'Ordre observe une progression du nombre des nouveaux installés dans les régions les moins pourvues.
Chez les ophtalmos, l'évolution des effectifs se traduit cette année par un solde en équilibre (en attendant les bataillons de départ à la retraite dans les dix prochaines années). Mais la tendance est aussi au vieillissement. L'âge moyen est aujourd'hui de 49 ans.
La répartition géographique est qualifiée de « particulièrement inégalitaire ». Ces médecins se concentrent dans le sud de la France, et notamment sur la côte d'Azur.
Pour les ORL, le solde entre les entrées et les sorties est déjà négatif. Le vieillissement de la population est notable et, dès 2010, le déficit devrait se creuser pour une durée d'au moins quinze ans. Même héliotropisme que dans les autres spécialités analysées.
Le nombre de stomatologistes ne cesse de diminuer depuis quinze ans : en 2004, trois stomatos se sont inscrits au tableau, alors que 37 en sortaient. L'âge moyen est élevé (50,5 ans). La répartition est très inégale, à telle enseigne que sept départements n'en abritent aucun.
Chez les neurochirurgiens, la densité a plus que doublé depuis 1984, ce qui n'empêche pas la population de vieillir. Leur répartition semble homogène à grande échelle, mais elle est inégale à un niveau d'observation plus affiné.
Chez les psychiatres, enfin, si les effectifs sont en légère hausse (+ 1,2 % par rapport à 2003), le vieillissement est comme ailleurs la constante observée. La féminisation dans cette discipline est supérieure à la moyenne de l'ensemble des médecins (43,34 %, contre 38,8 %). Leur répartition est très inégale : 31,1 pour cent mille habitants en Ile-de-France, contre 9,3 en Champagne-Ardenne ou 19,8 en Aquitaine.
Le Cnom étudiera d'autres spécialités en crise dans des rapports ultérieurs.
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