Radiographie de la médecine française, le nouvel Atlas ordinal de la démographie (1), qui recense les praticiens inscrits au « tableau » au 1er janvier 2008, permet de saisir, chiffres à l'appui, les grandes évolutions de la profession (effectifs, pyramide des âges, modes d'exercice…), mais aussi de cerner certaines menaces (spécialités en crise, déserts médicaux).
Premier enseignement : la stagnation du nombre de médecins en activité (régulière ou temporaire). L'Ordre recense ainsi 215 028 médecins actifs au 1er janvier 2008, en progression marginale par rapport à 2007 (+ 0,5 % dont une chute de 38 % dans les DOM-TOM !). En revanche, les effectifs de retraités (aucune ou petite activité) augmentent au rythme annuel rapide de 3,4 % (40 070 en 2008). L'effet de ciseaux (recrutement qui se tarit/arrêts d'activité en hausse) conduit à des «sorties supérieures aux entrées», souligne le Dr Irène Kahn-Bensaude, présidente de la section santé publique, qui pointe comme premier responsable «le numerus clausus ridiculement bas ces dernières années».
Selon l'Ordre, la régulation malthusienne des flux de formation combinée au vieillissement du corps médical «ont des conséquences tragiques sur certains spécialités médicales et chirurgicales». On constate déjà que les spécialités – chirurgie vasculaire, ophtalmologie, médecine du travail, médecine physique et de réadaptation, gynécologie médicale, psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent – enregistrent davantage de médecins sortants que d'entrants. La spécialité «ORL et chirurgie cervico-faciale» compte le même nombre de départs à la retraite que d'arrivées (48).
Âge moyen du médecin actif : 49,3 ans.
Cette situation, ajoute l'Ordre, risque de compliquer la problématique d'aménagement du territoire «dont souffre la profession».
Densité régionale des médecins généralistes et spécialistes en activité au 1° janvier 2008L'âge moyen de la première inscription à l'Ordre atteint désormais presque 34 ans (quand l'âge moyen de départ à la retraite est de 65 ans). «Le rétrécissement à la base de la pyramide des âges des médecins en activité traduit un vieillissement marqué de la population médicale», insiste l'étude (l'âge moyen du médecin en activité atteint 49,3 ans). Une situation qui pose problème dans certaines spécialités où la pénibilité et la disponibilité (gardes, urgences) sont fortes.
Parmi les nouveaux inscrits (4 995 médecins en 2007), un médecin sur cinq fait le choix d'exercer une activité professionnelle intermittente (remplaçants), ce qui souligne la croissance exponentielle de ce mode d'activité (72 % sont des médecins généralistes et la majorité sont des femmes). «D'ici à quelques années, il n'y aura plus que des femmes généralistes remplaçantes!», ironise le Dr Kahn-Bensaude.
Autre révolution en marche : toujours parmi ces nouveaux inscrits, deux tiers… ont fait le choix d'exercer leur activité en tant que médecin salarié (dont les hospitaliers). Moins de 10 % des nouveaux arrivants ont privilégié la médecine libérale exclusive en 2007, ce qui en dit long sur la perte d'attractivité de ce secteur ou du moins sur les inquiétudes qu'il suscite chez la jeune génération (méconnaissance quasi totale de l'activité libérale faute de stages, peur de la paperasserie, de la première installation, des contraintes horaires).
Le processus de féminisation du corps médical ne se dément pas. Depuis 2003, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à s'inscrire à l'Ordre des médecins. Une tendance qui «se confirme et se renforce», lit-on dans la brochure démographique.
Plus rares sont les médecins picards.
Ce n'est pas une nouveauté, mais les écarts de densité médicale se révèlent considérables (voir carte). Pour une moyenne métropolitaine de 322 médecins pour 100 000 habitants (généralistes et spécialistes confondus), la Picardie reste de loin la région la plus « pauvre » (densité de 260). Pour la première fois, PACA (419 médecins pour 100 000 habitants) est devenue plus attractive que l'Ile-de-France. Les mesures dites « incitatives » ne semblent guère porter leurs fruits pour améliorer la situation. Selon l'Ordre, les 8,6 % de retraités qui ont gardé une activité se concentrent… autour de la Méditerranée et dans la région francilienne, deux régions déjà pléthoriques. Quant aux nouvelles installations, elles s'opèrent surtout dans les grandes villes et près des CHU. L'Ordre constate en revanche que, dans certaines régions (Centre), «un nombre important de médecins roumains ou bulgares se sont inscrits pour la première fois, reflet de l'activité d'agences qui recrutent dans ces pays et font miroiter des conditions de travail fabuleuses».
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