L’Ordre infirmier juge « très improbable » que l’ex-mentor des frères Kouachi puisse s’inscrire au tableau

Publié le 12/01/2015
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Crédit photo : Créditphoto : AFP

Farid Benyettou, l’ex-mentor religieux des frères Kouachi, auteurs de l’attentat terroriste à « Charlie Hebdo », pourra-t-il un jour exercer la profession d’infirmier pour laquelle il achève ce mois-ci sa formation ? Rien n’est moins sûr. L’étudiant a été retiré « du planning du service où il terminait son dernier stage », a précisé l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris.

Le Conseil national de l’Ordre infirmier (CNOI) n’a été informé que le week-end dernier du fait que Farid Benyettou suivait un cursus d’infirmier, confie au « Quotidien » son secrétaire général, Karim Mameri. « Je ne veux pas me substituer à mes collègues qui seront chargés, s’il obtient son diplôme, de valider son inscription à l’Ordre. Mais il est très improbable qu’il puisse s’inscrire », a-t-il déclaré.

L’Ordre est en effet chargé par l’État de vérifier « les conditions de moralité et de probité » des candidats à la profession. Des conditions que l’intéressé ne semble pas remplir.

Des condamnations connues très tôt

Farid Benyettou a été condamné en 2008 (tout comme Cherif Kouachi) à six ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Quelques mois après sa sortie de prison en 2011, il entame un cursus dans un institut de formation en soins infirmiers (IFSI) à Paris. Très vite, il effectue des stages à l’AP-HP, et notamment aux urgences de La Pitié-Salpêtrière.

« L’école de formation en soins infirmiers, qui dépend de l’AP-HP, avait connaissance des condamnations de Farid Benyettou dès le début de sa scolarité », a affirmé au « Monde » Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique.

La directrice de l’IFSI, Véronique Marin-La Meslée, a assuré à l’AFP avoir découvert le passé de Farid Benyettou en regardant un reportage à la télévision, quelques semaines après son entrée à l’IFSI.

Faute morale

Le responsable de l’Ordre des infirmiers n’a pas apprécié les commentaires de Martin Hirsch, qui déclarait ce week-end qu’« une condamnation portée sur le casier judiciaire interdit d’être recruté pour un emploi public, mais n’interdit pas de passer le diplôme, qui peut être valorisé dans d’autres lieux d’exercice que les établissements publics ».

Karim Mameri dénonce une « faute morale » du patron de l’AP-HP, qui ne voit aucun problème à ce que Benyettou « fasse tous ses stages à l’AP-HP », mais lui en interdit l’accès une fois diplômé. « Martin Hirsch semble penser que l’intéressé pourra toujours exercer dans le privé, alors qu’il sait parfaitement que l’exercice est conditionné à l’inscription au tableau », relève le secrétaire du CNOI.

Selon Karim Mameri, le casier judiciaire des étudiants devrait être analysé dès l’inscription dans un IFSI. Il regrette aussi que l’État, au courant de tout dans ce dossier, n’ait pas dès le départ orienté Farid Benyettou vers une autre formation.

« Le pire, relève le secrétaire général du CNOI, c’est qu’avec son diplôme et sans inscription à l’Ordre infirmier, Farid Benyettou pourra toujours exercer dans un hôpital comme aide-soignant. »

« Un débat semble aujourd’hui nécessaire entre les pouvoirs publics, les opérateurs de la formation, les diverses organisations représentatives des professionnels et notre nous-mêmes » sur les « critères d'accessibilité aux formations sanitaires et sociales », affirme la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI). L'association ne souhaite pas, dans ce cas particulier, « réagir sous le coup de l'émotion »« La sélection en formation ne peut se baser sur des critères idéologiques, ethniques, culturels ou religieux », conclut la fédération.

Henri de Saint Roman

Source : lequotidiendumedecin.fr