LE CONSEIL NATIONAL de l'Ordre des médecins (Cnom) et les syndicats de médecins libéraux sont très remontés. Ils viennent d'apprendre qu'un projet de décret déposé auprès du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) prévoit de réformer l'actuel système de qualification des médecins. Emanant du ministère de l'Education nationale, ce texte fixerait les conditions dans lesquelles les personnes qui veulent changer de spécialité ou qui veulent exercer la médecine en France peuvent obtenir la qualification de spécialiste.
« Les dispositions de ce nouveau projet auraient pour effet d'ôter à l'Ordre des médecins sa compétence dans le domaine des qualifications des médecins à diplôme étranger ou des médecins qui souhaitent changer de spécialité en cours d'exercice. Ce système fonctionne pourtant à la satisfaction générale depuis un demi-siècle », affirme le Pr Jacques Roland, président de la section formation et compétences médicales à l'Ordre des médecins. L'ancien président de la Conférence des doyens est d'autant plus en colère que le texte en préparation a été arbitrairement décidé sans que l'Ordre, les syndicats et les doyens aient été consultés.
Commissions interrégionales.
Ce texte prévoit de confier l'organisation de la qualification aux commissions interrégionales d'internat. Celles-ci seraient composées de quatre personnels enseignants et hospitaliers titulaires des centres hospitaliers et universitaires, dont le coordonnateur du diplôme d'études spécialisées (DES) ou du diplôme d'études spécialisées complémentaires (Desc) - qui assurerait la présidence du jury - et de deux médecins enseignants de la spécialité en question (un libéral et un hospitalier). Chaque commission interrégionale comprendrait également deux membres de l'Ordre des médecins, mais aucune mention explicite de représentants des syndicats professionnels. « Même si l'Ordre restait présent par deux de ses membres, la représentation de la profession, qui faisait le succès de l'ancienne formule, deviendrait très insuffisante », insiste le Pr Roland.
Le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), juge ce projet proprement scandaleux : « Il n'est pas question de déposséder les syndicats professionnels et l'Ordre des médecins de leurs prérogatives. » Dans une lettre aux ministres de l'Education nationale et de la Santé, il demande l'abandon pur et simple de cette initiative. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) dénonce également ce projet. Il juge paradoxal que, au moment où l'évaluation des pratiques professionnelles des médecins libéraux se met en place, avec le soutien méthodologique de la Haute Autorité de santé, créée par la réforme de l'assurance-maladie, « un projet de décret retire à la profession une responsabilité en matière d'évaluation des compétences ».
Il y a sept mois, un décret avait ouvert la possibilité à l'ensemble des diplômés en médecine en France de changer de spécialité en cours d'exercice. Les candidats devaient justifier d'une formation et d'une expérience leur assurant des compétences équivalentes à celles requises pour l'obtention de la spécialité désirée (« le Quotidien » du 26 mars). Les syndicats de médecins et l'Ordre des médecins s'étaient félicités de cette évolution censée redonner de la souplesse aux professions médicales en ouvrant des passerelles entre les disciplines. Ce décret stipulait précisément que « l'obtention de la qualification de spécialiste relevait de la compétence de l'Ordre national des médecins ». Or le texte de loi en préparation abrogerait le décret du 19 mars. « La compétence de l'Ordre des médecins et l'autonomie de la profession médicale sont gravement remises en cause et le décret va insidieusement être examiné en Conseil d'Etat », regrette le Pr Roland.
Dans l'entourage du ministère de l'Education nationale, on indique que l'Ordre et les syndicats seront représentés dans les commissions de qualification, mais qu'ils ne sont pas en mesure délivrer un diplôme : « Dans la majorité des pays d'Europe, les médecins sont qualifiés par l'université et non par leur conseil de l'Ordre. » Alors que les demandes de requalification sont de plus en plus nombreuses - 2 000 dossiers sont en instance -, le système français fera-t-il les frais d'une harmonisation européenne ?
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