LA QUESTION DU MASQUAGE des données sensibles par le patient dans son dossier médical personnel (DMP) resurgit toujours tel un serpent de mer. Fin janvier 2007, le rapport Fagniez avait proposé une solution de compromis pour résoudre la controverse médecins/patients sur le masquage à l'insu des soignants, ou « masquage masqué ».
Supprimé par le Sénat avant d'être finalement rétabli dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2008), le droit au masquage des patients dans le DMP reste toujours sur la sellette. Le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le DMP (« le Quotidien » du 30 janvier) propose que ses modalités ne soient pas fixées avant les retours de nouvelles expérimentations territoriales et l'avis du Comité consultatif national d'éthique (saisi en décembre par la ministre de la Santé).
Droit à l'oubli.
Dans le dernier bulletin du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), son vice-président, Jacques Lucas, revient lui aussi sur le droit au masquage en mesurant le pour et le contre. «Est-il illégitime qu'une mère de famille ne veuille pas que l'IVG qu'elle a eue au début de sa vie de femme soit visible, sa vie durant, à tous les médecins qu'elle consulterait?, interroge le Dr Lucas. Et on pourrait multiplier les exemples... Sur le plan de l'éthique médicale, toute personne a le droit de garder des secrets. Le secret et le droit à l'oubli, c'est ce qui permet à chaque personne de se construire dans sa liberté. Sur le plan déontologique, le colloque singulier doit être très respectueux de ce droit des personnes, surtout lorsqu'elles sont malades, et donc plus vulnérables. La plus ancienne tradition médicale et juridique a fondé ainsi le principe du secret.»
Le vice-président de l'Ordre observe que le débat sur le masquage «reste ouvert, puisque les assemblées parlementaires elles-mêmes sont tiraillées par des opinions contradictoires». Comme la LFSS 2008 renvoie à un décret les conditions dans lesquelles le masquage serait autorisé, le Dr Lucas en déduit qu' «avant de remettre le DMP en chantier, il faudrait en définir plus clairement les objectifs, le contenu et les limites, sans chercher l'exhaustivité». Selon lui, il convient d'essayer «d'abord de mettre en place des outils professionnels partagés dans la coordination des soins, pour des pathologies définies, avec la coopération active et confiante des patients». Ainsi, poursuit-il, la question du masquage «ne se posera plus de la même manière». Ensuite, conclut le vice-président du CNOM, «il y a toute une pédagogie à développer: les pouvoirs publics, les organismes de protection sociale, l'Ordre profes- sionnel, les médecins et les associations d'usagers et de patients ont à faire comprendre au public que le masquage doit être mûrement réfléchi, car il entraîne une responsabilité très forte du patient. Le médecin ne saurait en effet être tenu pour responsable d'une imperfection dans la prise en charge d'un patient qui lui aurait volontairement masqué des informations».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature