C'EST UN PETIT BLOC de rien, qui fut longtemps systématiquement posé sur un coin du bureau de tous les cabinets médicaux. L'informatique l'en chasse peu à peu mais le vaillant petit bloc fait de la résistance : les médecins libéraux achètent chaque année en France quelque 200 millions d'ordonnances (dites « papier » depuis que les ordinateurs sont passés par là). Ils les utilisent pour deux tiers environ de leurs prescriptions, le tiers restant étant imprimé par leurs soins grâce à des logiciels paramétrés.
Avec les ordonnances, on ne fait pas dans le petit poids. Si le support – une feuille de papier plus ou moins fine, selon le prix qu'on y met – est léger, les prescriptions qu'y couchent les médecins de ville représentent, elles, un coût* qui frise pour l'assurance-maladie les 35 milliards d'euros annuels (médicaments, soins paramédicaux, examens de biologie, arrêts de travail... confondus).
Feuillet voyageur.
Ce qui n'empêche pas l'ordonnance d'être une grande voyageuse : elle commence sa vie chez un imprimeur, atterrit entre les mains du médecin prescripteur, passe à celles du patient puis, le plus souvent, à celles du pharmacien, avant d'atteindre – et c'est la fin de son périple – un organisme de Sécurité sociale.
Pour que chaque étape de cette odyssée se passe sans encombre, quelques règles ont été établies. Une ordonnance « normale » (voir encadré) doit spécifier le nom et l'adresse du praticien, pas obligatoirement sa spécialité ; son numéro d'identification doit être inscrit, ainsi qu'un numéro de téléphone où on peut le joindre. Mention doit également être portée du numéro à contacter en cas d'urgence. Pour éviter les faux prescripteurs, les imprimeurs vérifient que les médecins qui leur passent commande d'ordonnanciers sont bien inscrits à l'Ordre. Ils laissent en revanche toute liberté à leurs clients en ce qui concerne les indications de leurs « qualités » ( «Ancien chef de clinique à la faculté de...», «Ancien interne des hôpitaux de...», «Attaché des hôpitaux...»...), les décorations et les médailles parfois... Tout cela est purement déclaratif.
Mis à part quelques coquetteries dans leurs titres, les médecins ne font pas d'excentricités avec leurs ordonnances. L'outil est sérieux. «Leurs souhaits sont toujours très classiques, explique-t-on à la société Medivia, éditrice d'ordonnanciers, peu de gens sortent du cadre fixé.» Qu'elles soient sobres et orthodoxes n'empêche pas les ordonnances d'être un objet très prisé des... filous. Falsifiées ou volées, elles sont un des rouages essentiels de nombre d'escroqueries à l'assurance-maladie.
* Les prescriptions hospitalières exécutées ou délivrées en ville représentent quant à elles autour de 10 milliards d'euros.
Une famille, quatre branches
Il existe quatre types d'ordonnances : les ordonnances normales ou simples, les ordonnances sécurisées, les ordonnances bizones et les ordonnances « de médicaments d'exception ». Ces dernières, réservées à la prescription de médicaments dont le coût est pris en charge par la Sécurité sociale dans des conditions ou pour des indications thérapeutiques restreintes, sont fabriquées par les caisses d'assurance-maladie, tout comme le sont une bonne partie des bizones (séparant, pour les patients souffrant d'une affection de longue durée, les prescriptions «relatives» à cette ALD – et donc remboursées à 100 % – de celles «sans rapport» avec cette même ALD).
Pour le reste, 18 imprimeurs environ se partagent le marché de l'ordonnance en France. Ceux d'entre eux qui vendent des ordonnances sécurisées, utilisées pour les stupéfiants, doivent être agréés : réalisées avec un double filigrane, sur du papier traité sans azurant optique (et donc un peu jaune), portant en bas à gauche un numéro de lot et en bas à droite un double carré dans lequel le médecin précise le nombre de médicaments prescrits..., ces héritières du carnet à souche sont bien des ordonnances du quatrième type.
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