2,2 milliards d’euros d’économies sur un an selon les 21 propositions de la cnamts. Et 3,5 milliards d’euros sur trois ans, selon les 16 préconisations des mutuelles et des assurances de l’Unocam. Les «payeurs» ne se sont pas fait tirer l’oreille pour suggérer au gouvernement des pistes d’économies pour le PLFSS 2011 sur lequel Bercy et l’lavenue de Ségur planchent cet été. L’Assurance maladie ne devrait donc pas, à la rentrée, échapper à la rigueur budgétaire désormais inéluctable.
Les 21 propositions de la cnamts
Comme chaque année, début juillet, la CNAMTS a fait tourner ses calculettes et a estimé les besoins d’économies à 2,2 milliards d’euros. Selon elle, « une meilleure organisation peut conduire à une diminution des coûts, mais la réforme (la loi HPST, ndlr) n’a pas encore produit d’effet ». D’où cette série de 21 propositions à plus court terme, concoctées par les services de Frédéric Van Roekeghem (photo), qui ont été adoptées le 8 juillet par son conseil. Selon la présidence de la Cnamts, «face à la dégradation de la situation économique», le Conseil a marqué ainsi «sa volonté de poursuivre et d’intensifier les efforts de maîtrise de l’évolution des dépenses en améliorant les conditions d’accès aux soins. Il a également proposé des mesures structurelles, visant à optimiser le système de soins.»en conseil de l’UNCAM, et qui pourraient ensuite être reprises dans le prochain budget de la Sécu auquel le gouvernement va s’atteler dans les prochaines semaines.
Mais « l’évolution de l’organisation seule ne permettra pas de résoudre le problème du coût élevé de notre système de santé et de l’évolution supérieure à celle de la richesse de notre pays des dépenses d’assurance maladie » prévient la Sécu. Sur les cinq premiers mois de l’année, les dépenses de soins de ville du régime général ont augmenté de 3,3%. Or le président de la République avait annoncé en mai que l’Ondam serait limité à 2,9% en 2011 puis 2,8% en 2012 et que les dérapages ne seraient désormais plus tolérés. Dans ce contexte, 2,2 milliards d’euros, « c’est bien l’ordre de grandeur des économies à décider pour tenir l’ondam à 2,9% tel qu’annoncé par le président de la République lors de la conférence sur les déficits, a confirmé mardi matin dans Les Echos, le ministre du budget François Baroin. Les mesures seront définies dans la loi de financement de la Sécurité sociale qui sera présenté fin septembre ».
Traquer les marges de manoeuvre...
Ainsi plus que jamais, les « disparités » dans les pratiques médicales et dans les recours aux soins sont dans le collimateur de la CNAMTS. « A structure démographique comparable, la consommation de soins varie de 26% entre les régions extrêmes, l’amplitude étant plus importante pour les soins de ville (40%) que pour les soins hospitaliers (17%) » peut-on lire dans le rapport « propositions de l’assurance maladie sur les charges et produits pour l’année 2011 ». La Sécu en déduit qu’il existe des marges de manoeuvres. Par exemple, dans le domaine de la prise en charge du diabète, si les coûts moyens de traitements régionaux étaient tous alignés sur ceux des trois régions les plus basses, les dépenses totales des patients diabétiques seraient inférieurs de 10% à ceux constatés aujourd’hui.
La même grille d’analyse est appliquée sur les prescriptions de médicaments, pour lesquels les disparités constatées ont conduit la CNAMTS a élaborer ses CAPI. Pour 12% des médecins, la dépense par patient est supérieure de 15% ou plus à la dépense moyenne. « Ramener ces médecins à la moyenne représente un enjeu financier de plus de 400 millions d’euros » calcule la CNAMTS, sans préciser comment elle entend convaincre les « gros prescripteurs » à avoir le stylo moins lourd, à part généraliser le CAPI dans la prochaine convention médicale. Enfin pour les IJ qui continuent de s’envoler cette année, elle évoque une piste nouvelle : autoriser les arrêts de travail à temps partiel. Dans le même temps, les « référentiels » de prescriptions vont continuer de pleuvoir, notamment pour les actes de rééducation et pour les arrêts de travail.
nettoyer les ALD...
Mais le gros de l’évolution des dépenses est toujours porté aujourd’hui par les ALD. Dans ce domaine, l’Assurance maladie avance à pas de loup. En 2008, quand elle avait suggéré qu’une « gestion rénovée de la liste des ALD devrait conduire à en réserver le bénéfice aux pathologies qui sont véritablement longues et coûteuses », elle avait suscité un tollé. Ainsi, cette année, elle se borne à signaler qu’il « serait souhaitable dans un souci de cohérence de refondre en une seule ALD les 4 ALD cardio-vasculaires actuelles n°1 (AVC), n°3 (artériopathies chroniques avec manifestations ischémiques), n°5 (insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme graves, cardiopathies valvulaires graves, cardiopathies congénitales graves) et n°13 (maladie coronaire) ». De plus, les patients souffrant d’hypertension artérielle isolée ne devraient pas bénéficier de l’ALD, rappelle-t-elle à toutes fin utiles.
... et célébrer les vertus de la maîtrise médicalisée !
Plus classiquement, la CNAMTS propose aussi de poursuivre la politique de baisse des tarifs de la biologie ainsi que de « rendre plus homogènes les tarifs des médicaments dont l’efficacité thérapeutique est équivalente ». Enfin, elle plaide pour un recours moins systématique à l’hôpital via le développement de la HAD, de la chirurgie ambulatoire, de la chimiothérapie à domicile…
En revanche, le rapport, contrairement aux précédentes éditions, n’évoque guère le chapitre de la maîtrise médicalisée. Sinon pour rappeler l’efficacité de l’action de la cnamts : alors que les dépenses maladie caracolaient, avec entre 5 et 7 % de progression annuelle dans la première moitié des années 2000, on est aujourd’hui sur des rythmes bien plus raisonnables, de l’ordre de 3 à 4 % rappelle le document. En creux, cela légitime bien sûr la dynamique d’objectifs annuels d’économie exigés des professionnels de santé.
Pas un mot non plus des revalorisations promises aux médecins. Dans ce contexte de déficit record, la hausse du C à 23 euros est-elle menacée ? Sur le papier non. L’article 11 du règlement arbitral, qui régit actuellement les relations entre les médecins libéraux et la Sécu, indique en toutes lettres que les tarifs du C seront portés à 23 euros et du V à 33 euros au 1er janvier 2011 sans conditions. Le droit pour les généralistes de coter en Cs à la même date devra être avalisé par une décision de nomenclature que le directeur de la CNAMTS a promis pour cet automne. Mais si la tendance actuelle se poursuit, la hausse du C ne devrait pas être trop douloureuse pour les comptes de la Sécu. En effet, sur les cinq premiers mois de l’année, l’évolution des dépenses de soins de généralistes est restée négative à -2%. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera débattu à partir du 26 octobre à l’Assemblée nationale.
Les 16 pistes de l’Unocam
Sur le terrain de la rigueur, les acteurs complémentaires y vont aussi de leurs propositions. L’UNOCAM souhaite le déremboursement du thermalisme et de certains médicaments, et prône une extension des CAPI, qui passerait par la limitation du nombre de lignes de prescriptions par ordonnance ! L’UNOCAM -qui rassemble mutuelles et assurances privées- a rendu publiques le 20 juillet les propositions qu’elle avait adressées mi juin à la ministre de la Santé et au ministre des Comptes en vue du prochain PLFSS, pour lequel on sait déjà que le Président de la République a fixé un objectif de croissance de dépenses (Ondam) limité à 2,9 % pour l’Assurance-maladie. « La recherche d’une meilleure efficience organisationnelle s’impose à l’évidence et à la médecine de ville et implique un effort soutenu sur plusieurs années » avertit l’UNOCAM.
Chasser le gaspi en matière de biologie
Cet objectif de soigner à moindre coût passe pour les complémentaires par deux voies principales : améliorer la coordination des soins en particulier lorsque l’assuré souffre de plusieurs affections et ne rembourser que ce qui mérite de l’être. Concrètement, l’UNOCAM soumet aux ministres 16 pistes d’économies pour un montant de 3,5 milliards d’euros sur trois ans. Certaines rejoignent les propositions de la CNAMTS comme les baisses de tarifs de la biologie médicale et l’UNOCAM suggère en plus de « forfaitiser des dépenses d’analyses nécessaires au suivi de certaines pathologies chroniques ». Et pour que les labos se « recentrent sur des missions d’analyses », l’UNOCAM « souhaite que soit étudiée la possibilité d’autoriser la réalisation des prélèvements au sein des cabinets de médecine générale, des maisons de santé pluridisciplinaires ou des centres de santé, » mais « l’analyse de ces prélèvements continuant à relever de la responsabilité des laboratoires, dans un souci de qualité et de sécurité ».
Elargir le Capi à la taille des ordonnances
L’union des complémentaires voit aussi des économies à faire dans le domaine du médicament : déremboursements systématiques des produits dont le service médical rendu n’est plus jugé satisfaisant et baisse des prix des génériques. Elle applaudit également à la mise en place par la CNAMTS des CAPI bien qu’elle n’ait pas été partie prenante sur ce dossier. Se réjouissant de la décision de la Cour européenne de justice de valider les CAPI britanniques, elle juge « essentiel que cette démarche soit étendue et amplifiée, dans un souci de retour sur investissement et en intégrant, le cas échéant, une dimension quantitative, par exemple à partir du nombre moyen d’items prescrits par ordonnance, par rapport à un parangonnage scientifiquement établi ». Autrement dit, il ne s’agirait rien moins que de limiter le nombre de lignes sur les ordonnances de médecins ! En outre, elle suggère également de dérembourser les cures thermales.
Adapter la rémunération des professionnels
Enfin, l’UNOCAM rappelle à toutes fins utiles qu’elle souhaite être davantage impliquée dans les décisions qui la concernent. Elle rappelle sa participation à la négociation sur le secteur optionnel dont le résultat est pour elle « globalement satisfaisant » même si finalement le protocole d’accord signé est resté lettre morte. Ceci est aussi valable pour les ALD. « Dans l’hypothèse où un débat serait ouvert sur ce sujet délicat par le gouvernement, l’Unocam souhaiterait y associer » insiste-t-elle. Prête à « étudier des propositions de rémunérations des professionnels de santé qui soient adaptées aux besoins répétitifs et récurrents des maladies chroniques », elle met aussi en avant l’expérience de bon nombre de complémentaires en matière de « prévention et d’accompagnement des maladies chroniques ». Manière aussi de s’inviter dans les négociations pour la prochaine convention médicale, qui devraient s’ouvrir à la fin de l’année.
Mais avant cette échéance, le gouvernement devrait présenter le PLFSS pour 2011. C’est donc à la rentrée que l’on pourra juger de la capacité de conviction de la Sécu et des acteurs complémentaires. Le gouvernement retiendra-t-il ces propositions ? Réponse lors de l’annonce du PLFSS 2011 en septembre...
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