Maîtrise

L’ordonnance rigueur de la Sécu

Publié le 06/07/2010
L’Assurance maladie devrait adopter jeudi 21 propositions d’économies pour 2011. Une ordonnance traditionnelle en ce début de été qui pourrait inspirer le gouvernement dans ses devoirs de vacances sur le «budget» 2011 de la Sécu. Dans le collimateur de la cnamts cette année, les disparités des pratiques médicales et de recours aux soins. Et une fois de plus les gros prescripteurs. Avec quand même une trouvaille : les IJ à temps partiel quand l’état du patient le permet.

Crédit photo : ©PHANIE

L’Assurance maladie ne devrait pas, à la rentrée, échapper à la rigueur budgétaire désormais inéluctable. Comme chaque année, début juillet, la CNAMTS a fait tourner ses calculettes et a estimé les besoins d’économies à 2,2 milliards d’euros. Selon elle, « une meilleure organisation peut conduire à une diminution des coûts, mais la réforme (la loi HPST, ndlr) n’a pas encore produit d’effet ». D’où cette série de 21 propositions à plus court terme, concoctées par les services de Frédéric Van Roekeghem (photo), qui seront approuvées définitivement jeudi en conseil de l’UNCAM, et qui pourraient ensuite être reprises dans le prochain budget de la Sécu auquel le gouvernement va s’atteler dans les prochaines semaines.

Mais « l’évolution de l’organisation seule ne permettra pas de résoudre le problème du coût élevé de notre système de santé et de l’évolution supérieure à celle de la richesse de notre pays des dépenses d’assurance maladie » prévient la Sécu. Sur les cinq premiers mois de l’année, les dépenses de soins de ville du régime général ont augmenté de 3,3%. Or le président de la République avait annoncé en mai que l’Ondam serait limité à 2,9% en 2011 puis 2,8% en 2012 et que les dérapages ne seraient désormais plus tolérés. Dans ce contexte, 2,2 milliards d’euros, « c’est bien l’ordre de grandeur des économies à décider pour tenir l’ondam à 2,9% tel qu’annoncé par le président de la République lors de la conférence sur les déficits, a confirmé mardi matin dans Les Echos, le ministre du budget François Baroin. Les mesures seront définies dans la loi de financement de la Sécurité sociale qui sera présenté fin septembre ».

Traquer les marges de manoeuvre...

Ainsi plus que jamais, les « disparités » dans les pratiques médicales et dans les recours aux soins sont dans le collimateur de la CNAMTS. « A structure démographique comparable, la consommation de soins varie de 26% entre les régions extrêmes, l’amplitude étant plus importante pour les soins de ville (40%) que pour les soins hospitaliers (17%) » peut-on lire dans le rapport « propositions de l’assurance maladie sur les charges et produits pour l’année 2011 ». La Sécu en déduit qu’il existe des marges de manoeuvres. Par exemple, dans le domaine de la prise en charge du diabète, si les coûts moyens de traitements régionaux étaient tous alignés sur ceux des trois régions les plus basses, les dépenses totales des patients diabétiques seraient inférieurs de 10% à ceux constatés aujourd’hui.

La même grille d’analyse est appliquée sur les prescriptions de médicaments, pour lesquels les disparités constatées ont conduit la CNAMTS a élaborer ses CAPI. Pour 12% des médecins, la dépense par patient est supérieure de 15% ou plus à la dépense moyenne. « Ramener ces médecins à la moyenne représente un enjeu financier de plus de 400 millions d’euros » calcule la CNAMTS, sans préciser comment elle entend convaincre les « gros prescripteurs » à avoir le stylo moins lourd, à part généraliser le CAPI dans la prochaine convention médicale. Enfin pour les IJ qui continuent de s’envoler cette année, elle évoque une piste nouvelle : autoriser les arrêts de travail à temps partiel. Dans le même temps, les « référentiels » de prescriptions vont continuer de pleuvoir, notamment pour les actes de rééducation et pour les arrêts de travail.

nettoyer les ALD...

Mais le gros de l’évolution des dépenses est toujours porté aujourd’hui par les ALD. Dans ce domaine, l’Assurance maladie avance à pas de loup. En 2008, quand elle avait suggéré qu’une « gestion rénovée de la liste des ALD devrait conduire à en réserver le bénéfice aux pathologies qui sont véritablement longues et coûteuses », elle avait suscité un tollé. Ainsi, cette année, elle se borne à signaler qu’il « serait souhaitable dans un souci de cohérence de refondre en une seule ALD les 4 ALD cardio-vasculaires actuelles n°1 (AVC), n°3 (artériopathies chroniques avec manifestations ischémiques), n°5 (insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme graves, cardiopathies valvulaires graves, cardiopathies congénitales graves) et n°13 (maladie coronaire) ». De plus, les patients souffrant d’hypertension artérielle isolée ne devraient pas bénéficier de l’ALD, rappelle-t-elle à toutes fin utiles.

... et célébrer les vertus de la maîtrise médicalisée !

Plus classiquement, la CNAMTS propose aussi de poursuivre la politique de baisse des tarifs de la biologie ainsi que de « rendre plus homogènes les tarifs des médicaments dont l’efficacité thérapeutique est équivalente ». Enfin, elle plaide pour un recours moins systématique à l’hôpital via le développement de la HAD, de la chirurgie ambulatoire, de la chimiothérapie à domicile…

En revanche, le rapport, contrairement aux précédentes éditions, n’évoque guère le chapitre de la maîtrise médicalisée. Sinon pour rappeler l’efficacité de l’action de la cnamts : alors que les dépenses maladie caracolaient, avec entre 5 et 7 % de progression annuelle dans la première moitié des années 2000, on est aujourd’hui sur des rythmes bien plus raisonnables, de l’ordre de 3 à 4 % rappelle le document. En creux, cela légitime bien sûr la dynamique d’objectifs annuels d’économie exigés des professionnels de santé.

Pas un mot non plus des revalorisations promises aux médecins. Dans ce contexte de déficit record, la hausse du C à 23 euros est-elle menacée ? Sur le papier non. L’article 11 du règlement arbitral, qui régit actuellement les relations entre les médecins libéraux et la Sécu, indique en toutes lettres que les tarifs du C seront portés à 23 euros et du V à 33 euros au 1er janvier 2011 sans conditions. Le droit pour les généralistes de coter en Cs à la même date devra être avalisé par une décision de nomenclature que le directeur de la CNAMTS a promis pour cet automne. Mais si la tendance actuelle se poursuit, la hausse du C ne devrait pas être trop douloureuse pour les comptes de la Sécu. En effet, sur les cinq premiers mois de l’année, l’évolution des dépenses de soins de généralistes est restée négative à -2%. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera débattu à partir du 26 octobre à l’Assemblée nationale.

Véronique Hunsinger

Source : lequotidiendumedecin.fr