NI REMÈDE DE CHEVAL ni traitement homéopathique : le rapport sur l’ «évaluation de la sécurité, de la qualité et de la continuité des soins chirurgicaux dans les petits hôpitaux publics en France», que le Pr Guy Vallancien, secrétaire général du Conseil national de la chirurgie (CNC), devait remettre hier au ministre de la Santé, Xavier Bertrand, trace une voie médiane entre fermeté et souplesse pour réorganiser l’activité chirurgicale en France dans les petits établissements. Presque une gageure tant, dans ce domaine, la logique médicale (qui plaide souvent pour une restructuration draconienne de l’offre de soins chirurgicaux) est confrontée à une logique politique qui privilégie l’aménagement du territoire et le maintien des structures de proximité dans des zones peu peuplées.
Parce que c’était le plus urgent, la mission Vallancien a commencé par examiner la situation des petits hôpitaux publics (une deuxième étape concernera les CHU et les grands centres hospitaliers) sur la base des trois critères fixés par le gouvernement à l’automne 2005 : «sécurité», «qualité» et «continuité des soins».De ce chantier réalisé en lien avec les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) émergent une dizaine de recommandations qui pourraient inspirer la politique de restructuration de l’activité hospitalière chirurgicale dans les cinq ans à venir, dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire (Sros) de troisième génération.
« ESO », trois lettres pour trancher.
Mesure phare du rapport : une nouvelle classification des services de chirurgie fondée sur la norme « ESO » (évaluation, soins, organisation). Ainsi « ESO 111 » récompenserait un service de chirurgie et un bloc opératoire conformes à une pratique de qualité réunissant trois conditions : respect absolu des normes en vigueur ; personnels médicaux (chirurgiens, anesthésistes) et paramédicaux qualifiés et en nombre suffisant ; continuité des soins 24 h/24. « ESO 011 » signifierait qu’il manque une de ces trois conditions, contraignant l’hôpital à «corriger le défaut dans les douze mois». Enfin un indice « ESO 001 » ou, pire, « ESO 000 » (deux ou trois lacunes) conduirait à la «suspension immédiate de la pratique chirurgicale». Combien de services risqueraient de fermer à l’aune de ces indicateurs ? Impossible de le dire aujourd’hui, admet le Pr Vallancien.
Faut-il créer pour la chirurgie un seuil d’activité rédhibitoire (comme pour les maternités), alors que 113 hôpitaux réalisent moins de 2 000 opérations par an ? Le rapport s’efforce d’éviter le règne de l’arbitraire tout en accentuant la pression sur les établissements. Il suggère «dès 2007 de publier les recommandations de seuil d’activité chirurgicale» mais «sans en faire un couperet» ou encore d’ «afficher dans les hôpitaux les types et le nombre d’opérations par an de chaque service de chirurgie public». Le Pr Vallancien est convaincu que ces recommandations «sévères» et cette transparence «accrue» sur l’activité réelle des services chirurgicaux conduiraient automatiquement à des remises en cause. L’idée est de restructurer ce qui doit l’être «sans aller au clash», analyse encore le Pr Vallancien .
Dans la même logique de transparence, le rapport préconise deux mesures : une évaluation plus précise de l’activité chirurgicale (grâce à de nouveaux critères tels que le taux de reprises opératoires dans le séjour et dans le mois qui suit l’opération, le taux d’infection nosocomiale, le taux de transfusion sanguine...) ; et un bilan «tous les deux ans» de l’activité et de la qualité opératoire. «Il s’agirait d’un audit de type Cour des comptes», décrypte le Pr Vallancien. Constatant la «rigidité» des statuts des personnels de la fonction publique hospitalière, le rapport recommande plusieurs dispositions visant à assouplir les contrats des chirurgiens et des anesthésistes. Il suggère d’expérimenter des contrats «d’exercice chirurgical régional» qui permettraient à un chirurgien public ou privé d’exercer «là où sont les besoins» sans changer de système assurantiel ou de mode de rémunération. Autre idée : faciliter le passage des chirurgiens libéraux à l’hôpital en leur proposant des conditions salariales qui tiennent «compte du rattrapage des annuités».
Côté recrutement de praticiens étrangers (hors Union européenne), le rapport va droit au but en exigeant un «haut niveau» de formation. «Oui à l’élite!», dit au « Quotidien » le Pr Vallancien. Certaines filières «qui ne garantissent pas la qualité de formation requise» aux étudiantsseraient interrompues. Les chirurgiens qui exercent déjà en France sous des statuts précaires (assistants, FFI, attachés) subiraient un examen sélectif comprenant des «cas cliniques à discuter» et une épreuve d’aptitude à opérer. Et pour ceux qui ont complété leurs études à l’étranger, un cursus exigeant d’évaluation et de mise à niveau serait exigé . Objectif : sélectionner et valoriser «les meilleurs».
Pédagogie de la restructuration bien menée.
Plusieurs mesures plaident en faveur d’une organisation plus centralisée des blocs qu’il s’agisse des ressources humaines ou des moyens matériels. Le fil directeur serait de «regrouper» les professionnels et les matériels sur des plateaux techniques «ouverts toute l’année jour et nuit sans discontinuité des soins». La création d’un poste de responsable du plateau technique « bloc opératoire » ayant autorité sur la totalité des médecins (y compris les chefs de pôle) et des personnels paramédicaux est envisagé de la même façon qu’un «comité exécutif du bloc». Mais si la concentration des équipes chirurgicales reste le principe, le rapport envisage de tenir compte des «particularités locorégionales». Le développement de la chirurgie ambulatoire, qui ne décolle pas dans les hôpitaux publics (seulement 20 % de l’activité chirurgicale globale en France), est vivement conseillé, si possible «près des centres de référence».
Enfin, et peut-être surtout, le rapport n’hésite pas à faire la pédagogie de la recomposition hospitalière « intelligente ». Il rappelle que fermer la chirurgie en cas de nécessité n’est «ni honteux ni dangereux» et que cela se fait, la plupart du temps, sans crise.
Depuis dix ans, les Sros I (1996-2001), puis II (2001-2006) ont procédé à plus de 130 restructurations entre établissements publics ou privés, les levées de boucliers restant minoritaires. «La restructuration, ça marche», insiste le Pr Vallancien. A condition d’informer les élus locaux (notamment les maires que le rapport veut responsabiliser davantage), mais aussi de prévoir des issues valorisantes pour ces petits établissements. Le rapport suggère d’encourager la reconversion des petits hôpitaux vers d’ «autres missions de proximité» comme les urgences (Upatou), des plateaux techniques de diagnostic, le suivi de pathologies chroniques, les soins de suites chirurgicales, la santé publique ou encore des consultations très spécialisées.
Le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH) et vice-président du CNC, se félicite de la démarche pragmatique suggérée par le rapport. «Dans la pratique, il est impossible d’opérer une refonte brutale de la cartographie des petits hôpitaux. Le mérite du rapport est de dire que la restructuration n’est pas un sujet idéologique mais qu’il faut utiliser une grille de lecture professionnelle et penser à des solutions alternatives.» Pour le Dr Philippe Cuq, également vice-président du CNC, il faut «rationaliser», mais «en évitant absolument les décisions technocratiques qui font rater l’essentiel».
Quel avenir pour ce travail, qui n’est pas le premier du genre ? Le Pr Vallancien veut croire à la «volonté politique» de Xavier Bertrand de réorganiser l’activité chirurgicale. Le ministre de la Santé dispose désormais d’une boîte à outils pour se lancer.
Les chiffres clés des petits blocs | |
Nombre dhôpitaux réalisant moins de 2 000 actes opératoires par an | 113 |
Nombre total dactes dans ces hôpitaux par an | 126 655 |
Nombre moyen dactes opératoires par an | 1 030 |
Nombre dhôpitaux réalisant moins de 1 550 actes opératoires par an | 87 |
Nombre dhôpitaux réalisant moins de 1 000 actes opératoires par an | 76 |
Nombre dhôpitaux réalisant moins de 500 actes opératoires par an | 13 |
Nombre dhôpitaux avec 3 chirurgiens ou moins | 114 |
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature