La réforme du médicament présentée la semaine dernière par Xavier Bertrand va avoir des conséquences très concrètes pour les généralistes. Alors qu’il a reçu quatre nouveaux rapports sur l’affaire Mediator (Igas, Assises du Médicament et mission de l’Assemblée nationale la semaine dernière et mission du Sénat mercredi), le ministre de la Santé a tenté d’en faire une synthèse en annonçant son plan de réforme de la sécurité sanitaire. Formation continue, visite médicale, prescription, Xavier Bertrand a annoncé des pistes qui doivent cependant encore être précisées. Ensuite, le projet de loi devrait être présenté avant la trêve estivale avant d’être débattu à l’automne au Parlement.
DPC : c’est reparti !
Officiellement, rien n’est remis en cause. Les décrets d’application de la loi HPST qui doivent mettre en musique le Développement professionnel continu (DPC) qui remplacera l’actuel dispositif de FMC, sont toujours attendus « dans les semaines qui viennent », a promis le ministre. Xavier Bertrand qui avait retenu les chevaux depuis son retour au ministère de la Santé en novembre dernier, attendait la conclusion des Assises du médicament pour publier les textes. Sur le fond, le dispositif imaginé par la loi Bachelot n’est pas censé évoluer. En revanche, les modes de financements du DPC pourraient être élargies via une taxe sur l’industrie pharmaceutique. Le ministre, même s’il s’est défendu de toute « croisade » contre l’industrie, entend bouter les laboratoires hors de l’université. « Pour les étudiants, qui sont les prescripteurs de demain, il faut interdire tout financement par les laboratoires dans le cadre de leurs études » a-t-il déclaré.
Est-ce à dire que les industriels se verraient exclus de la FMC aussi ? Ce n’est pas le souhait du gouvernement qui reste encore très évasif sur ses intentions. Même si l’idée d’une taxe fait son chemin. « Cette absence de liens directs, qui permettra d’éviter toute suspicion, nous devons aussi la retrouver dans le cadre de la formation continue, c’est pourquoi je souhaite que la formation continue des libéraux et des hospitaliers soit pour partie financée par un prélèvement provenant de l’industrie pharmaceutique, » indique Xavier Bertrand. Le LEEM a déjà fait connaître son « désaccord avec la création d’un nouveau prélèvement pour financer le développement professionnel continu, qui lui semble répondre à des préoccupations opportunistes sans rapport direct avec la crise de confiance que connaissent aujourd’hui la politique du médicament et la nécessité de refonte de la sécurité sanitaire ». Son président, Christian Lajoux, va plus loin. « On peut imaginer des contrats ou des conventions avec la HAS pour donner plus de transparence à la formation médicale continue » a-t-il avancé auprès de l’AFP.
La visite médicale revisitée
La visite médicale fait partie de la vie quotidienne des généralistes. Selon un rapport de l’IGAS, à peine 5 à 7 % des praticiens refuseraient de recevoir les VM. C’est la même Inspection qui suggérait purement et simplement au ministre d’interdire la VM dans le rapport qu’elle lui a remis la semaine dernière. Une proposition récusée par Xavier Bertrand qui envisage néanmoins une profonde mutation de la visite. « Je vais lancer une concertation pour revoir de fond en comble la visite médicale, parce que telle qu’elle existe aujourd’hui, cela ne peut plus fonctionner » a lancé Xavier Bertrand, en citant, de manière appuyée le rapport sur la visite médicale de 2008 de la députée socialiste Catherine Lemorton. À terme, la visite individuelle pourrait disparaître pour faire place à des visites collectives de médecins, d’abord à l’hôpital puis en ville. « Ce sera sans doute plus facile à mettre en place dans les cabinets de groupe » a admis le ministre.
Le « hors AMM » sous contrôle
Pas question de supprimer les prescriptions hors AMM. À vrai dire, de la HAS, à l’Afssaps, en passant par la Mutualité Française, personne ne demandait une mesure aussi radicale. « Bien qu’indispensables dans certains cas comme ceux des maladies orphelines, elles doivent rester des situations réellement exceptionnelles, a expliqué Xavier Bertrand. Elles doivent être encadrées et leurs risques maîtrisés, les prescripteurs sont d’ailleurs demandeurs ». Ainsi, les médecins devront inscrire sur l’ordonnance la mention « hors AMM » plutôt que « NR ». Les logiciels d’aide à la prescription, qui seront certifiés par la HAS, devront leur permettre de les aider à faire la distinction entre les indications relevant de l’AMM et celles en dehors. Dans le même temps, les données sur les prescriptions, en particulier celles de l’Assurance maladie, devront permettre de mieux détecter et suivre l’usage du hors AMM. La « lutte contre les prescriptions hors AMM non justifiées » va être intensifiée via les recommandations des autorités sanitaires et la responsabilisation des industriels qui devront, « à l’issue d’une période d’autorisation dérogatoire, déposer une demande d’extension d’AMM ou d’indications ». Enfin, les pouvoirs publics vont à nouveau insister sur la recommandation de prescrire en DCI.
Transparence totale sur les conflits d’intérêt
Un formulaire unique de déclaration publique d’intérêts devra désormais être rempli par les acteurs intervenant dans le domaine de la santé, qu’il s’agisse des experts externes et internes ou des associations de patients. La « transparence totale » a expliqué le ministre, c’est aussi que « toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations, soient désormais publiques, consultables. Toutes, sans exception ». Ce seront les industriels qui auront la responsabilité de publier ces informations sur leur site internet. C’est le Sunhine Act à la française.
Rendre les généralistes pharmacovigilants
Pour améliorer le système de pharmacovigilance en favorisant et simplifiant la notification des effets indésirables pour les professionnels de santé, « chaque notification donnera lieu à un retour systématique de la suite donnée au signalement, » a promis Xavier Bertrand. De plus, le professionnel de santé doit pouvoir être « protégé » : la confidentialité des données sera respectée. Les alertes ne doivent plus rester lettre morte : « un dispositif de médiation sera mis en place au sein de chaque institution pour permettre un recours en cas de non-traitement d’une demande ou d’un dossier ». Les patients seront également incités à faire eux-mêmes des notifications : sur chaque boîte de médicament sera inscrit le numéro vert et le site internet de l’Agence nationale de la Sécurité du médicament, nouveau nom de l’AFSSAPS.
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