Les facteurs favorisants
Les facteurs favorisants reconnus sont une prédisposition génétique, les facteurs environnementaux (tabac), locaux (orbite de petite taille ou avec une disposition vasculaire particulière), psychologiques (deuil, stress), sans oublier un mauvais équilibre hormonal avec des épisodes d'hyper- et d'hypothyroïdie notamment la première année.
Le mode d'installation
L'orbitopathie peut précéder la dysthyroïdie (10 %), en être contemporaine (40 %), survenir dans les 18 mois suivant le diagnostic (40 %) ou dans un tableau d'euthyroïdie (10 %). Elle s'installe le plus souvent de manière insidieuse, responsable de retards diagnostiques, ou rapide, pouvant vite évoluer vers des formes sévères.
Evolution naturelle
L'évolution naturelle de la maladie (F. F. Rundle, 1960 ; W. H. Wiersinga, 1996) présente deux phases traduisant l'activité (« pic » de la courbe) puis la stabilité des lésions. Il est donc nécessaire de traiter le plus tôt possible, au tout début de la phase dynamique. Décrite dès 1735 par de St Yves, ce syndrome associant exophtalmie, chémosis et neuropathie optique survient dans un tableau d'hyperthyroïdie dans 80 % des cas (hypothyroïdie : 10 % ; euthyroïdie : 10 % nécessitant des bilans thyroïdiens réguliers).
L'ODT est une maladie du tissu conjonctif entraînant une réaction immunitaire. En effet, les anticorps antithyroïdiens se fixent sur les récepteurs à la TSH, localisés à la surface des fibroblastes orbitaires, dans les muscles oculomoteurs. L'orbitopathie est donc la conséquence d'une augmentation de volume de ces muscles. Après une première étape inflammatoire entraînant une infiltration de l'ensemble des tissus orbitaires - notamment graisseux -, responsable d'œdème et du chémosis, prend place une deuxième étape fibreuse touchant le tissu conjonctif (et non le muscle lui-même). Il existe donc une augmentation du volume des graisses et du volume des muscles, d'intensité variable. L'IRM met en évidence un hypersignal en T2 si les signes sont sévères ; elle précise finement l'état anatomique du cône musculo-orbitaire en pré- et postopératoire. Cependant, cet examen n'est pratiqué que dans quelques services.
Séquence
La séquence physiopathologique est, par conséquent, une expansion des tissus mous, l'augmentation de la pression rétrobulbaire, suivie d'une inflammation orbitaire et d'une fibrose.
1) L'exophtalmie
La protrusion du globe peut être importante et expose la cornée. Elle est mesurée à l'aide de l'exophtalmomètre de Hertel, en comparant la différence entre les deux yeux. Le scanner permet de visualiser précisément les structures orbitaires. Le « regard tragique du Basedowien » est caractéristique ; ce regard fixe implique une demande de décompression orbitaire et n'est pas une indication de rétention de la paupière (« règle de la ceinture »).
2) La neuropathie optique
Elle est liée à l'augmentation de pression à l'apex de l'orbite et peut entraîner une hyperpression oculaire grave jusqu'à 60-70 mmHg. La décompression de l'apex est secondaire à une décompression graisseuse et fait suite éventuellement au geste chirurgical au niveau des parois osseuses de l'orbite.
3) La diplopie
La diplopie est la conséquence
- d'une myopathie cicatricielle : les muscles, le plus souvent droit inférieur et droit interne, deviennent très raides et donc inextensibles ;
- d'une fibrose des facias et du tissu conjonctif.
Le Lancaster permet d'analyser l'action des muscles synergiques et d'éliminer une paralysie oculomotrice ou une fracture du plancher de l'orbite : dans le cas d'une ODT, si le muscle est fibreux, l'antagoniste controlatéral est en hyperaction.
4) La rétraction palpébrale
La mesure de la rétraction palpébrale s'effectue par la mesure de la fente palpébrale qui représente une donnée stable. Elle est liée à la contraction du muscle de Müller et à une infiltration dont elle est le siège. La sclère peut être aperçue surplombant le limbe. Le clignement est rare ou incomplet et favorise l'apparition d'une kérato-conjonctivite sèche. La rétraction primaire reste permanente dans le regard vers le bas ; la rétraction secondaire à la fibrose diminue dans le regard vers le bas et augmente dans le regard vers le haut. Le traitement comporte une chirurgie combinée du strabisme puis des paupières.
5) La lagophtalmie
Elle s'observe surtout dans les formes évoluées et lors des thyroïdites de Hashimoto. Elle s'accompagne d'une kératite limbique supérieure et d'un chémosis de la caroncule. Précédant l'indication chirurgicale, certains moyens se montrent efficaces : pose de bouchons lacrymaux, pansements oculaires nocturnes (certains portent des lunettes de piscine la nuit...), clignement conscient complet, par exemple tous les quarts d'heure devant l'ordinateur, collyres anti-inflammatoires.
Par ailleurs peuvent apparaître des problèmes esthétiques liés au développement de poches palpébrales.
Prise en charge
La prise en charge de l'ODT est pluridisciplinaire (endocrino, ophtalmo, radiologue, chirurgien, radiothérapeute). Elle associe d'abord le maintien d'un équilibre thyroïdien et un traitement anti-inflammatoire (C. Marcocci et coll., 2004) - corticoïdes, radiothérapie orbitaire externe ou analogues de la somatostatine -, avant d'envisager le geste chirurgical. Ce geste a pour buts de diminuer la pression orbitaire, d'agir sur les troubles oculomoteurs et d'associer éventuellement une blépharoplastie.
Table ronde « Oeil et Thyroïde » lors du 110e congrès de la SFO.
Communications du Pr J.-P. Adenis et des Drs I. Badelon et J.-L. George.
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