DANS LA PLUPART des professions, sur la base d'un cursus universitaire généraliste, un ou plusieurs stages formateurs, de durée limitée dans le temps, suffisent à transformer les acteurs en fidèles exécutants de procédures validées et en utilisateurs performants des techniques de dernières générations. Ce qui se passe en chirurgie est tout à fait particulier. La physionomie de la chirurgie a considérablement changé ces vingt dernières années, et va changer de plus en plus.
La formation des chirurgiens, souvent fondée sur le compagnonnage, participe au renouvellement indispensable des attitudes de soins et aux remises en question périodiques nécessaires au niveau le plus élevé possible des connaissances et des performances techniques. Presque partout dans le monde, ce modèle est bousculé par les nombreuses contraintes des systèmes de santé. Les exemples sont nombreux ; on les observe quotidiennement dans les services de chirurgie.
Facteur temps.
La limitation réglementaire (à l'échelon européen) des durées de travail hebdomadaire des jeunes chirurgiens constitue une illustration des dérives observées. Alors que le contenu éducatif augmente et que le temps d'apprentissage (indissociable du temps de travail) est artificiellement bloqué, contenir les standards de formation dans un nombre limitée d'années tient de la quadrature du cercle. L'intégration des coûts de cette éducation intergénérations, dans la prise en charge des soins (soumise à une productivité de plus en plus forte) est de plus en plus aléatoire.
La moindre motivation des jeunes médecins pour spécialisations chirurgicales représente un facteur supplémentaire de préoccupation pour les responsables de la qualité de soins.
Le partage international de l'expérience acquise.
La confrontation des méthodologies adoptées dans le cadre de cette problématique d'optimisation revêt des formes pratiques aussi variées qu'inattendues. L'expérience acquise dans un pays en matière de formation peut inspirer des solutions dans un autre pays en proie à des difficultés : ainsi, aux Etats-Unis, les institutions régulatrices des cursus de formation des chirurgiens ont entraîné une flexibilité de la durée limite réglementaire du travail : en moyenne, quatre-vingts heures contre une cinquantaine d'heures en Europe ; de la même façon, l'utilisation de certains dispositifs médicaux ou chirurgicaux favorisée par les spécialistes d'un pays donné peut servir de référence à la communauté des spécialistes de la même discipline. La Norvège, avec 6 500 prothèses totales de hanche implantées annuellement, observe, dans cette intervention, un contraste inattendu entre l'extrême variété des prothèses mises à la disposition des orthopédistes et une certaines homogénéité des habitudes opératoires illustrées par les chiffres éloquents suivants : la gamme des implants proposée ne compte pas moins de vingt-deux types de queue fémorale et vingt-cinq types de cotyles ; l'étendue de la gamme amène le chirurgien a établir son choix entre une cinquantaine de combinaisons possibles. Or l'analyse fait apparaître que quatre combinaisons représentent à elles seules les trois quarts des interventions effectuées. Ce contraste entre les habitudes chirurgicales peut-il être indicatif d'attitudes décisionnelles défectueuses au sein de la communauté chirurgicale ainsi analysée ? Seule la confrontation des expériences permet d'en juger.
L'exemple des gants de chirurgie.
S'il existe un dénominateur commun universel à toutes les chirurgies, c'est bien celui de l'usage des gants. La chirurgie orthopédique la plus exposée au risque de perforation du gant a presque universellement adopté le double gantage ; lequel peut servir de base à un mécanisme encore plus élaboré de protection par l'incorporation d'un système indicateur de perforation. L'élimination du latex dans certaines productions de gants peut faire l'objet d'une évaluation du service rendu sur les terrains allergiques pour l'opéré ou pour l'opérateur lui-même ; la pratique du poudrage, qui remonte à plus d'un demi-siècle, a elle-même fait l'objet de retouches successives : le talc a, le premier, été identifié comme franchement préjudiciable à l'opéré. Des poudres organiques mieux tolérées mais encore non totalement dénuées de tout risque, en particulier adhérentiel, plus spécialement en chirurgie viscérale, sont apparues ; la recherche industrielle a été mise à contribution pour tenter de mettre à la disposition des chirurgiens le gant qui répond le mieux à un cahier de charges consensuel, de plus en plus sophistiqué : absence de latex, absence de poudre dans le processus même de fabrication, incorporation de témoins de perforation, conservation des qualités tactiles et de la résistance mécanique du gant malgré la modification des matériaux qui entrent dans sa constitution. L'unique reproche que l'on pourrait faire à la démarche d'optimisation d'un accessoire de base en chirurgie est le discret surcoût.
La mise en présence d'expériences chirurgicales venues d'horizons différents conduit plutôt à penser que ce reproche ne résiste guère à une évaluation plus systématique « de la morbidité collatérale » susceptible de survenir au décours de la chirurgie avec des gants de précédente génération.
Au total, la quête constante de qualité en chirurgie est non seulement scientifiquement légitime mais conforme aux intérêts collectifs. Elle répond à une attente implicite des chirurgiens du monde entier : il faut toujours améliorer chez les patients l'équilibre du rapport bénéfice/risque. La culture chirurgicale du moment s'accommode fort bien d'une mobilisation de toutes les énergies, visant à réduire ce risque à sa plus simple expression.
D'après la conférence du Royal College of Surgeons avec les Prs et Drs Lund, Thomas, Rowan, Williams, Lees, Meakins, Eccles, Canter, Kelly (Grande-Bretagne), Britt (Etats-Unis), Terpstra (Hollande), Hansen (Danemark), Hofmann (Allemagne), Soreide (Norvège).
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