Au début du siècle dernier, l'espérance de vie à la naissance en France était d'environ cinquante ans. En 2002, elle atteignait 75,6 ans pour les hommes et 82,8 ans pour les femmes. Pour le Pr Françoise Forette, « cette augmentation considérable au cours de ce siècle, et surtout au cours des dernières décennies, est liée à des facteurs génétiques et surtout environnementaux ».
Sur le plan génétique, le vieillissement est très hétérogène car il existe un polymorphisme de la majorité des gènes codant pour les protéines et les enzymes importantes. A ce polymorphisme inné s'ajoutent des mutations qui se produisent avec l'âge au niveau des cellules somatiques. Ce qui explique l'inégalité face au vieillissement. De nombreuses recherches sont actuellement en cours sur des gènes dit de longévité mais aucun ne pourrait être ciblé pour accroître l'espérance de vie. Ils sont extrêmement différents. Certains la favorisent parce qu'ils protègent d'un certain nombre de maladies, à l'opposé d'autres influencent certaines pathologies. « La quête du gène de longévité est donc illusoire », souligne le Pr Forette.
L'importance des messages de prévention
Cette composante génétique est importante mais peu modifiable. Il n'en est pas de même des facteurs environnementaux. Ce sont eux qui ont le plus influencé la longévité jusqu'à présent. Il s'agit des facteurs socio-économiques et des progrès de la médecine. On ne vieillit pas de la même façon selon que l'on appartient à un pays à fort niveau économique ou à un autre resté dans un état de précarité importante. Cela est vrai également à l'échelon du même pays selon le niveau de ressources et le niveau éducatif individuel. Les personnes disposant d'un bon statut économique et éducatif sont plus épanouies, accèdent plus facilement aux réseaux de soins et assimilent mieux les messages de prévention. Le Pr Françoise Forette insiste fortement sur le fait que « l'accès aux soins et la réceptivité aux messages de prévention sont des éléments discriminants ». Un sujet informé et conscient des risques se soumettra plus facilement à un contrôle de ses facteurs de risque cardio-vasculaire (HTA, hypercholestérolémie...) et au dépistage de certains cancers, comme celui du sein et du col de l'utérus. Un manque de ressources, une sous-alimentation et une prise en charge médicale insuffisante induisent des espérances moyennes de vie proches de celles qui furent les nôtres au début du siècle dernier dans les pays en voie de développement. Dans les pays occidentaux, l'espérance moyenne de vie des personnes en état de précarité est significativement inférieure à celle de la moyenne de la population. Les progrès de la médecine ont également un rôle majeur dans l'allongement de la longévité. En témoignent, entre autres, la guérison de certaines maladies infectieuses, de cancers et l'apport de la cardiologie interventionnelle.
Une différence réelle mais qui s'amenuise
Pourquoi les femmes ont-elles une espérance de vie supérieure à celle des hommes ?
« A l'heure actuelle nous n'avons pas encore la réponse à cette question », regrette le Pr Françoise Forette. La première explication semblait être une exposition différente aux facteurs de risque, si l'on part du principe que les femmes fumaient moins, buvaient moins et n'avaient pas de stress au travail. Mais à facteurs de risque équivalent, notamment cardio-vasculaires, l'espérance moyenne de vie des hommes reste inférieure à celles de leurs compagnes. Néanmoins, l'émergence du cancer du poumon liée au tabagisme féminin entraîne chez elles une petite réduction de la progression de leur espérance moyenne de vie.
L'autre explication de cette inégalité pourrait être la mortalité prématurée avant 60 ans liée aux conduites à risque (accident de voiture, morts brutales) plus fréquentes chez les jeunes hommes entre 20 et 30 ans. Mais l'explication la plus plausible est probablement un facteur génétique lié au sexe qui protège les femmes par rapport aux hommes. « Les recherches sur le vieillissement fondamental et sur ses caractéristiques génétiques nous fourniront l'explication réelle de cette différence entre les hommes et les femmes », conclut le Pr Françoise Forette.
Pour en savoir plus : Pr Françoise Forette « la Révolution de la longévité », éd. Grasset, 221 pages,1997.
(1) Hôpital Broca, Paris.
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