On sait que les souris naines mutantes de type Ames vivent environ 50 % de plus que les autres, cela parce qu'elles portent un gène de longévité appelé Prop1.
Sur certains aspects phénotypiques, ces souris naines Ames ressemblent aux souris normales dont l'espérance de vie est allongée par un régime alimentaire restrictif. Dès lors, il était intéressant de voir si le facteur génétique, d'un côté, et le facteur alimentaire, de l'autre, ont des mécanismes d'action semblables ou différents. Pour cela, Andrzej Bartke (Southern Illinois University) et coll. ont délibérément restreint des souris naines Ames en calories.
Restriction calorique ou nourriture ad libitum
Les chercheurs ont pris deux groupes de souris : d'une part, 45 souris naines Ames âgées de 2 mois et, d'autre part, des souris normales. Toutes ces souris ont été réparties en deux groupes : un groupe de restriction calorique (CR) et un groupe ayant à sa disposition toute la nourriture voulue, dit ad libitum (AL).
Chez les souris CR nourries tous les jours, l'apport a été progressivement réduit, au fil des semaines, à 90 %, 80 % puis 70 % des quantités consommées par les groupes AL, en fonction du génotype et du sexe. La consommation des souris AL diminue naturellement avec l'âge ; la quantité de nourriture proposée aux souris CR était gardée constante après l'âge de 2 ans.
Les courbes de survie indiquent que la restriction calorique provoque un gain de survie supplémentaire aux souris naines Ames. Quand les mâles et les femelles sont considérés ensemble, la différence entre CR et AL est significative (p < 0,004) ; quand les sexes sont considérés séparément, l'effet de la restriction calorique sur la survie des souris Ames est toujours significatif (p < 0,05).
Comme on s'y attendait, la restriction calorique accroît aussi l'espérance de vie des souris normales (p < 0,002), même si la survie des souris Ames AL dépasse celle des souris normales AL (p < 0,00001).
Enfin, les souris Ames CR vivent plus longtemps que les souris normales CR (p < 0,0001).
Décélération ou retard du vieillissement
Les courbes de survie révèlent une autre disparité : l'effet d'une restriction alimentaire est associé à une modification primaire dans le déclin de la courbe de survie (réduction du taux de mortalité lié à l'âge), alors que l'effet génétique reflète un décalage du moment où l'effet de l'augmentation de la mortalité liée à l'âge commence à devenir appréciable. Autrement dit, la restriction calorique décélère le vieillissement, alors que le gène Prop1 retarde son apparition.
Conclusion : les effets sur la longévité du facteur génétique et du facteur alimentaire sont différents.
Pourtant - car il y a un pourtant -, il existe des faits communs entre la souris normale CR, la souris naine Ames et la souris K.O. pour le récepteur à l'hormone de croissance qui, elle aussi, a une longévité accrue : diminution de la taille corporelle, diminution des taux plasmatiques de l'IGF-1 (Insulin-like Growth Factor), de la glycémie et des hormones thyroïdiennes. « Ces facteurs peuvent contribuer à retarder le vieillissement et à accroître la longévité dans chacun de ces modèles animaux », estiment les auteurs.
Par exemple, le système IGF/insuline ou un autre signal similaire est impliqué dans l'espérance de vie de la mouche Drosophila melanogaster, le ver Caenorhabditis elegans et la levure. « Cela soutient l'idée que la régulation hormonale des voies métaboliques, en réponse à une modification alimentaire, peut constituer un moyen de moduler l'espérance de vie, profondément enraciné dans l'évolution », concluent les auteurs.
« Nature » du 22 novembre 2001, p. 412.
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