D EPUIS octobre 2000, suite au décès par embolie pulmonaire d'une jeune femme à son arrivée dans un aéroport, la polémique fait rage, avec des menaces de plaintes contre les compagnies aériennes et des résultats d'études cliniques discordants. Il semble en effet que les différentes méthodologies employées et le petit nombre de participants ont introduit des biais dans les résultats.
Cette semaine, une équipe de l'hôpital de Stamford à Londres rapporte les résultats d'une étude contrôlée portant sur 231 passagers (89 hommes et 142 femmes), âgés de plus de 50 ans. Tous les candidats étaient indemnes d'antécédent de phlébite, de pathologie maligne, cardio-vasculaire, et de traitement anticoagulant. La randomisation a consisté à porter ou à ne pas porter de chaussettes de contention élastique de classe I, durant deux vols transatlantiques de plus de 8 heures (aller/retour Londres/États-Unis dans un intervalle de 6 semaines).
Par mesure écho-Doppler
Avant le départ (entre 2 semaines et 2 jours), l'état veineux profond et superficiel des volontaires était évalué par mesure écho-Doppler du temps de flux inversé après compression du mollet, l'existence d'un reflux étant définie par une durée d'inversion supérieure à 0,5 seconde. Des facteurs de risque biologiques étaient également recherchés sur prélèvements sanguins : numération, plaquettes, mesure des D-dimères (Dimertest Gold), recherche d'un facteur V Leiden (FVL) et d'une prothrombine G20210A (PGM) par PCR. Les passagers avaient pour consigne d'enfiler les chaussettes avant de monter dans l'avion et de les retirer au retour à l'aéroport d'Heathrow. Tous devaient se rendre dans les 48 heures à l'hôpital de Stamford pour un nouvel écho-Doppler des membres inférieurs (les opérateurs n'étant pas informés de la randomisation) et une mesure des D-dimères.
Au total, 12 voyageurs (10 %) du groupe sans chaussettes de compression élastique avaient une thrombose veineuse profonde (TVP) surale asymptomatique, deux d'entre eux étaient porteurs de la mutation hétérozygote pour FVL. Dans le groupe avec contention, deux passagers, présentant des varicosités ont fait une thrombophlébite superficielle au bord supérieur de la chaussette dans le creux poplité. L'un d'eux était hétérozygote pour FVL et PGM. La mesure des D-dimères n'a été d'aucun intérêt diagnostique (pas d'élévation significative).
Prévalence quarante fois supérieure
« Peut-on pour autant tirer des conclusions définitives sur le lien entre les voyages long-courrier et la thrombose veineuse ? », se demandent dans un éditorial deux spécialistes canadiens. « La prévalence de 10 % est quarante fois supérieure à celles retrouvées dans trois études cas-témoins préalables, et, malgré les conditions plus rigoureuses de cette étude, on ne peut pas supprimer les biais du dépistage échographique opérateur-dépendant, expliquent-ils. D'autant que le diagnostic n'a pas été confirmé par vénographie (éthiquement irrecevable) ou par les D-dimères. Le fait qu'il n'y ait pas eu de phlébite chez les porteurs de contention est aussi surprenant. Le caractère aveugle de l'évaluation n'avait peut-être pas été maintenu, auprès des échographistes, par les candidats. Mais on peut aussi mettre la prévalence élevée de l'étude sur le compte de la durée du vol supérieure à celle de toutes les études précédentes. » Dans l'attente de nouvelles études randomisées à large échelle, il est raisonnable de recommander des mesures préventives simples comme la contraction isométriques des mollets et une hydratation suffisante. Des mesures plus agressives sont à envisager au cas par cas chez des sujets à risque, recommandent les deux éditorialistes.
John Scurr, «The Lancet», vol. 357, 12 mai 2001 ; éditorial de Jack Hirsh et Martin O'Donnell.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature