DE NOTRE CORRESPONDANTE
«LE POINT MAJEUR de nos résultats est que l’oncomoduline, qui n’est pas connue pour avoir des effets sur les cellules nerveuses, constitue un puissant facteur de croissance, lequel pourrait avoir une utilité clinique», explique au « Quotidien » le Dr Larry Benowitz qui a supervisé ce travail.
Alors que les nerfs du système nerveux périphérique régénèrent leurs axones lorsqu’ils sont endommagés, les nerfs du système nerveux central (SNC) mature ne le font pas. Cette différence est attribuée à un environnement inhibiteur de la croissance dans le SNC.
Le nerf optique, qui transporte les axones des cellules ganglionnaires de la rétine au cerveau, ne fait pas exception à cette non-régénération et sert de modèle pour l’étude d’approches visant à stimuler la régénération axonale dans le SNC adulte.
L’activation des macrophages dans l’oeil après lésion du cristallin.
Diverses approches qui modifient l’état de croissance intrinsèque des axones ou contrecarrent les signaux inhibiteurs de l’environnement ont permis d’obtenir une régénération seulement modeste dans des modèles animaux.
Toutefois, la plus forte régénération du nerf optique a été obtenue lors d’une activation des macrophages dans l’oeil, consécutive à une lésion du cristallin chez le rat. Le signal fourni par les macrophages responsables de cette forte régénération restait inconnu.
Dans ce contexte, des chercheurs en neurologie de la Harvard Medical School (Boston), Yin, Benowitz et coll., ont identifié le principal médiateur de ce phénomène : l’oncomoduline. Cette petite protéine liant le calcium avait été nommée ainsi en raison de son expression dans plusieurs tumeurs et de sa vague ressemblance avec la calmoduline. Son seul lien décrit avec le système nerveux est sa présence dans les cellules ciliées de l’oreille interne.
«Nous voulions comprendre ce qui déclenchait la repousse, explique dans un communiqué le Dr Larry Benowitz, afin d’obtenir une régénération nerveuse sans avoir à causer une lésion oculaire.»
Les chercheurs montrent pour la première fois que l’oncomoduline est abondamment exprimée et sécrétée par les macrophages. Elle se lie avec une affinité élevée aux cellules ganglionnaires de la rétine du rat et, en présence de mannose et d’AMPc à taux élevé, elle induit une repousse axonale plus importante que n’importe quel autre facteur trophique connu. La déplétion de l’oncomoduline élimine la repousse axonale induite par les macrophages.
En outre, les chercheurs montrent in vivo que l’oncomoduline, en présence d’AMPc, favorise la régénération du nerf optique chez le rat.
Trois jours après une lésion chirurgicale.
Dans l’étude suivante, des rats, trois jours après avoir subi une lésion chirurgicale du nerf optique, ont été traités par l’injection intraoculaire de microsphères libérant soit l’oncomoduline seule, soit l’AMPc seul, l’association oncomoduline-AMPc ou bien le véhicule seul (témoin).
Deux semaines après, les résultats sont les suivants : aucune amélioration de la régénération n’est obtenue avec l’oncomoduline seule comparée au témoin ; l’AMPc seul est associé à une faible amélioration (repousse majorée par un facteur 2) ; en revanche, l’oncomoduline en présence d’AMPc induit une forte régénération (majorée par un facteur 5 à 7 dans le nerf distal). Selon les chercheurs, des taux accrus d’AMPc seraient nécessaires pour augmenter l’expression du récepteur pour l’oncomoduline à la surface cellulaire.
Afin de voir si d’autres types de neurones répondent à l’oncomoduline, les chercheurs ont étudié ses effets sur les neurones sensoriels du ganglion spinal de la racine postérieure chez le rat. Ces neurones exposés in vivo à l’oncomoduline pendant une semaine ont effectivement présenté une plus grande repousse que les neurones non traités.
«Nous avons identifié une molécule qui favorise une plus grande régénération nerveuse que tout ce qui a été étudié jusqu’ici, souligne le Dr Benowitz. Nous pensons que cela incitera à rechercher plus amplement quelles sont les autres actions de l’oncomoduline dans le système nerveux et ailleurs.»
Des espoirs cliniques.
Il entrevoit la possibilité qu’un jour l’oncomoduline pourrait se révéler utile pour réparer le nerf optique endommagé par le glaucome, les tumeurs ou les lésions traumatiques.
L’équipe pense que, en combinant l’oncomoduline à une approche qui contrecarre les signaux inhibiteurs de l’environnement (venant de la myéline et des cellules gliales), une régénération encore plus importante pourrait être obtenue. «Une telle approche combinée pourrait finalement résulter en des niveaux de régénération du nerf optique qui soient cliniquement significatifs», notent-ils.
Les chercheurs envisagent maintenant de chercher à savoir, entre autres, si l’oncomoduline agit sur d’autres populations de neurones qui seraient pertinentes pour traiter les traumatismes de la moelle épinière ou les accidents vasculaires cérébraux.
«Nous sommes en plein milieu d’une ère passionnante de recherche en matière de régénération nerveuse, observe le Dr Benowitz. Il existe de nombreuses pistes prometteuses dans le domaine consistant à bloquer les molécules qui inhibent la régénération. Mais pour obtenir une régénération réellement forte, on doit aussi activer l’état de croissance intrinsèque des cellules nerveuses. »
Yin et coll. « Nature Neuroscience », 14 mai 2006. DOI : 10.1038/nn1701.
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