De notre envoyé spéciale
« Cette unité est une première, car la réalité de l'Afrique noire, c'est l'absence de spécialistes », déclare avec réalisme le Pr Claude Moreira, chef de l'unité d'oncologie pédiatrique sénégalaise et l'un des maîtres d'uvre de l'initiative. Son équipe se compose de deux infirmières, d'un pédiatre, d'un interne et d'un étudiant. Anima Datt est l'une de ces infirmières. Très professionnelle, bien formée, elle s'active auprès des familles pour apporter soins et réconfort.
Car elles sont là, réparties dans les quatre chambres ou dans les couloirs mieux aérés, les mamans en boubou coloré assises sur leur natte, leur enfant malade dans les bras ou étendu à leurs côtés. Pas de plainte, juste des échanges de paroles entre mères et le temps qui s'étire.
Des soins coûte que coûte
Il n'y a pas grand-chose, les chambres sont nues, les familles apportent les draps et souvent la nourriture. Du côté de la pharmacie de l'hôpital, c'est aussi le dénuement. Mais il faut quand même soigner les enfants. Deux sur les huit sont sous chimiothérapie en ambulatoire, l'un pour un lymphome, l'autre pour une tumeur rénale. Ces deux pathologies ciblées par le partenariat du GFAOP (Groupe franco-africain d'oncologie pédiatrique) ont été choisies en priorité car les protocoles français simplifiés et adaptés à l'environnement des hôpitaux africains peuvent être utilisés.
Si le cancer est diagnostiqué suffisamment tôt, l'enfant peut être pris en charge. « Mais dès que le diagnostic tombe, c'est aussi une course contre la montre qui s'engage car les obstacles sont nombreux », confirme le Dr Assan Sylla, pédiatre de l'unité. En effet, le manque de médicaments sur le marché pharmaceutique sénégalais, le coût des traitements, inabordable pour l'hôpital et les familles, ainsi que le délai nécessaire pour collecter les fonds qui assurent la pérennité du traitement ne sont que la face visible de l'iceberg des difficultés. La prise en charge ambulatoire est rarement possible. Alors les conseils d'hygiène et l'accompagnement des familles sont récurrents. « En effet, si les parents ressentent l'ampleur de la maladie, ils n'en apprécient pas toujours le poids et notre discours empreint de réalisme doit aussi être porteur d'espoir », explique l'infirmière.
Un pari sur l'avenir
De son côté, le représentant français du GFAOP, le Pr Lemerle, de l'institut Gustave-Roussy, se démène pour trouver un financement et surtout les médicaments à faire parvenir là-bas. Malgré ces dépenses d'énergie, la guérison n'est cependant pas encore garantie. Le rôle de l'équipe dakaroise est donc d'affiner le protocole sénégalais pour sauver davantage d'enfants. Dans ce but, elle se soumet depuis un an comme d'autres sites pilote du sol africain à une étude prospective. Questionnaire familial, dosages médicamenteux, suivi individuel des petits malades sont ainsi saisis pour former une base de données qui portera ses fruits dans 3 ou 4 ans. L'objectif est de comparer la toxicité des produits, la faisabilité des protocoles et leur coût pour améliorer les prises en charge.
En attendant, seuls les constats sont possibles. Si Yassin, 6 ans, et Tabara, 18 mois, sont en train de mourir, actuellement deux enfants sont sur la voie de la guérison après une chimiothérapie et une intervention chirurgicale et deux autres suivent un traitement en hôpital de jour. Garder l'espoir fait partie des remèdes pour l'équipe qui ne veut pas baisser les bras.
Pour contacter le GFAOP : institut Gustave-Roussy, Pr Jean Lemerle, 39, rue Camille-Desmoulin, 94805 Villejuif Cedex. Tél. 01.42.11.54.11.
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