À L'INITIATIVE de l'OMS- Europe se tient depuis hier et jusqu'à demain à Tallinn, en Estonie, une conférence ministérielle sur le thème « Systèmes de santé, santé et prospérité ». Le but de la manifestation qui réunit des ministres européens de la Santé mais aussi des experts internationaux et des délégués de l'OMS venus de 53 pays (1), est d'étudier la relation entre la santé et la richesse. Des liens examinés tant à l'échelle microéconomique (une meilleure santé entraîne-t-elle plus de richesse pour un individu ?) que macroéconomique (la santé a-t-elle un impact sur la croissance économique d'un pays ?) et avec une arrière-pensée dont l'OMS-Europe ne fait pas mystère : «Il faudrait encourager les décideurs politiques à tenir compte des gains de bien-être dans leurs évaluations économiques des interventions en matière de santé. S'ils ne le font pas, cela risque d'entraîner une sous-estimation de leurs véritables avantages économiques», expliquent ces experts. Autrement dit : payer cher pour son système de santé peut être un investissement signifiant bien plus que des concitoyens bien portants. Une charte devrait être adoptée demain en Estonie classant la santé parmi les principaux indicateurs du potentiel économique d'un pays. À un moment où l'attribution des ressources se fait, dans chaque pays, selon des arbitrages difficiles et où les États n'ouvrent pas aussi facilement leurs bourses pour la santé que pour les transports ou l'éducation, l'OMS veut donner aux ministres concernés les moyens de «remporter le débat en matière d'investissement».
Le travail, caisse de résonance.
Les participants à la conférence de Tallinn vont appuyer leurs travaux sur plusieurs études et rapports (2). L'un de ces documents s'intéresse tout bonnement aux « répercussions économiques d'une mauvaise santé dans la région Europe ». Enfonçant quelques portes ouvertes au niveau des individus – «la mauvaise santé réduit la productivité du travail mesurée par les revenus dans plusieurs cas», ou encore : «Une bonne santé augmente la possibilité de travailler» –, cette étude se révèle bien plus riche à l'échelon des nations. L'impact de la santé sur la croissance économique d'un pays ne fait pas de doute pour l'OMS-Europe. «Par exemple, expliquent ses experts, en utilisant la mortalité due à une maladie cardio-vasculaire pour la population en âge de travailler en tant que variable de substitution de la santé, nous démontrons que l'amélioration de la santé affecte la croissance du PIB de manière positive.» Autre affirmation : «Si l'âge de la retraite était retardé conformément aux gains de longévité, la plupart des conséquences économiques négatives imputées aux sociétés vieillissantes pourraient être atténuées (...) . La santé pourrait être mieux à même de produire son impact positif sur le marché du travail et, par conséquent, sur l'économie, en conservant davantage de personnes plus âgées et en meilleure santé parmi les travailleurs.»
Globalement, pour l'OMS, «la mauvaise santé peut agir comme un frein sur la situation économique tant des personnes que des pays entiers». Des cas d'école sont cités. L'un d'eux concerne le Royaume-Uni où, selon des estimations, «environ 50% de la croissance économique enregistrée entre 1780 et 1980 peuvent être attribués à l'amélioration de la santé et de la nutrition» ; dans d'autres pays industrialisés, une étude portant sur des périodes d'au moins un siècle «a constaté que des améliorations en matière de santé avaient augmenté le taux de croissance économique de 30 à 40%», rapporte l'OMS.
La démonstration rencontre un petit os – et le serpent s'y mord un peu la queue – quand les économistes s'interrogent : une amélioration future de la santé atténuera (voire inversera)- t-elle la tendance à la hausse des dépenses de santé ? Pas sûr, répondent-ils, dans la mesure où certains facteurs de coût, «notamment les progrès technologiques, font plus que compenser toute économie réalisée». Dans le strict champ sanitaire – et sans parler cette fois-ci des retombées pour l'économie tout entière –, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, regrettent presque les experts.
(1) La « région européenne » de l'OMS rassemble l'Albanie, l'Allemagne, Andorre, l'Arménie, l'Autriche, l'Azerbaïdjan, le Bélarus, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, l'ex-République yougoslave de Macédoine, la Finlande, la France, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, l'Islande, l'Irlande, Israël, l'Italie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Moldavie, Monaco, le Monténégro, la Norvège, l'Ouzbékistan, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, Saint-Marin, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse, le Tadjikistan, le Turkménistan, la Turquie et l'Ukraine.
(2) Ces documents peuvent être consultés sur le site Web de la conférence (http://www.euro.who.int/healthsystems2008).
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