A UNE SEMAINE de la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Hong Kong, l'OMC confirme l'accord provisoire obtenu en août 2003 après des années d'âpres négociations pour tenter de concilier la santé publique et les intérêts des détenteurs de brevets sur les médicaments. Signé pour une période de huit mois, le protocole d'accord n'avait pas été officiellement renouvelé. Le conseil général des Adpic* vient donc de mettre fin à une situation d'incertitude juridique en adoptant les dispositions prévues dans l'accord de 2003 sous forme d'un amendement définitif aux accords Adpic.
Le texte fixe les conditions et les modalités de mise en œuvre des « licences obligatoires » qui permettent aux pays pauvres non producteurs d'importer des médicaments génériques en cas d'urgence sanitaire (sida, tuberculose...). Les pays africains, notamment, réclamaient cette mesure avant la conférence ministérielle de Hong Kong. Ils craignaient que, faute d'inscription dans le droit de l'OMC, ces dispositions ne puissent être révoquées à tout moment.
Le texte adopté par le conseil va être soumis au 148 Etats membres, qui devront le ratifier au plus tard le 1er décembre 2007. Pour que l'accord entre définitivement en vigueur, la ratification d'au moins deux tiers des Etats est nécessaire. L'Union européenne n'a pas attendu l'amendement de l'OMC puisqu'elle a adopté, le 1er décembre, en première lecture, un règlement autorisant une entreprise d'un Etat membre à recourir à une licence obligatoire pour exporter des génériques vers un pays en développement qui en fait la demande.
Un excellent signal.
Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, a salué la décision du conseil et la voit comme une volonté des pays membres de « faire en sorte que le système commercial de l'OMC contribue à des objectifs humanitaires et de développement ». Le représentant américain pour le commerce, Rob Portman, a qualifié la décision d' « historique », tandis que Peter Mendelson, commissaire européen, la commente comme « une première contribution » au « paquet pour le développement » que l'OMC doit approuver à Hong Kong en faveur des pays pauvres. En France, la ministre déléguée au Commerce extérieur, Christine Lagarde, qui s'est prononcée en faveur de cette inscription en droit OMC (« le Quotidien » du 9 novembre), y voit « un excellent signal » avant Hong Kong et souhaite « l'adoption de mesures significatives en faveur des pays les moins avancés » lors de la conférence.
Le texte, qui vient d'être officiellement adopté, n'est pourtant pas salué par tous. Les associations humanitaires restent sceptiques. Médecins sans Frontières (MSF), qui depuis 2003 émet des réserves, juge le dispositif « compliqué et inefficace ». L'association constate qu' « aucun malade n'a bénéficié » du mécanisme pourtant autorisé depuis deux ans, et accuse l'OMC « d'ignorer la réalité quotidienne de la production et de la fourniture de médicaments ». ACT-UP émet les mêmes critiques, regrettant « l'incroyable lourdeur administrative » de la procédure. Selon ACT-UP, les pays africains avaient demandé en vain à l'OMC une simplification du mécanisme, avant d'y renoncer sous la pression notamment de l'Union européenne.
* Accords sur les aspects du droit de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
L'OMS agrandit sa liste de présélection
Deux nouveaux antirétroviraux vont être ajoutés à la liste de présélection de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) : la névirapine, produite par Aurobindo (Inde), et la lamivudine, produite par Aspen Pharmacare Ltd (Afrique du Sud). Aspen a été le premier producteur africain à faire partie de la liste de présélection de l'OMS grâce à trois produits introduits en septembre (trois dosages d'un autre ARV, la stavudine). Le nombre d'ARV présélectionnés par l'OMS est désormais de 70, dont 36 produits par des fabricants de génériques et 34 par des fabricants de spécialités. « Les possibilités de choix augmentent et, plus le choix est grand, plus il y a de concurrence sur les prix », a commenté le Dr Hans Hogerzeil (OMS).
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