ON A COUTUME de distinguer et d’opposer le Moyen Âge et la Renaissance, la seconde de ces périodes apportant une réponse éclatante à la première, communément qualifiée d’obscure. L’exposition du Grand Palais cherche à gommer ce qu’elle qualifie d’« erreur de perspective » et, plutôt que de parler de rupture entre ces deux âges, préfère en montrer la fusion ou la communion, et l’interpénétration de leurs styles artistiques respectifs. Vers 1500, la France émerge du règne de Charles VIII (1483-1498) pour entrer dans celui de Louis XII (1498-1515) et connaît déjà les arts italien et nordique et les premiers acquis littéraires et techniques liés à la Renaissance.
Lieu de rencontres et d’échanges artistiques, la France du début du XVIe siècle, depuis la Bourgogne des « grands ducs d’Occident » jusqu’aux domaines du roi René (qui rassemblent la Provence, la Lorraine et l’Anjou), est le théâtre d’un développement et d’un foisonnement culturels exceptionnels. La création artistique est stimulée par de nombreuses commandes de princes, souverains et nobles, qui souhaitent embellir leurs châteaux et demeures, asseoir leur prestige ou exprimer leur dévotion en faisant réaliser pour les églises des retables, des vitraux et des statues. L’exposition montre de beaux spécimens du patrimoine religieux, pleins de grâce et de sensibilité : des Vierges de pitié, des épisodes de la vie des saints ou de « Mises au tombeau », ou encore les « Triomphes » de l’église champenoise d’Ervy-le-Châtel, œuvre en hommage à Marie remarquable d’originalité et d’audace.
Quant à la peinture française, elle s’exprimait le plus souvent, jusqu’à la fin du XVe siècle, dans des illustrations de livres enluminés. Jean Fouquet fut le premier artiste à passer de l’enluminure à la peinture monumentale. D’autres peintres se plurent à l’imiter et à adopter ce genre nouveau, inspiré des précurseurs de la Renaissance italienne. Ils réussirent ainsi à réunir les deux styles dominant la peinture européenne de l’époque, celui des Flamands, pétri de réalisme, et celui, plus intellectuel et idéalisé, des Italiens. La liberté voire l’excentricité de ces artistes français se retrouve dans les tableaux de Jean Hey (dit aussi le Maître de Moulins). Dans le domaine de l’architecture, la France de l’après guerre de Cent Ans, connaît simultanément une période de forte reconstruction, marquée par un style « flamboyant », mélange de gothique moderne et expressif et de modèles antiques.
Polyvalents.
Les artistes de l’époque sont merveilleusement polyvalents. La récente invention de l’imprimerie permet la diffusion d’images et de motifs ornementaux à très grande échelle. La production de livres enluminés est en pleine expansion. Les arts du vitrail, de la tapisserie, de la médaille connaissent un succès remarquable, tout comme la technique récemment mise au jour de l’émail peint. L’art est en pleine effervescence, en bouillonnement intense. Les artistes arrivent de toutes parts, du Nord et du Sud. Ils s’établissent en France et y importent leurs œuvres (comme les retables d’Anvers). Les rois font l’acquisition de toiles peintes par les Italiens Fra Bartolommeo ou Léonard de Vinci (de ce dernier, « la Belle ferronnière » appartint à Louis XII et fut une référence transalpine d’idéal).
Le Royaume de France fut à cette époque un carrefour, à la croisée des chemins entre l’Italie et les Pays-Bas. L’exposition témoigne de cette mixité des idées et des styles, qui va servir de modèle à l’Europe.
Galeries Nationales du Grand Palais (www.rmn.fr), tlj sauf mardi, de 10 à 20 heures (mercredi jusqu’à 22 heures). Jusqu’au 10 janvier 2011.
A lire, aux éditions RMN : catalogue de l’exposition, 400 pages, 400 ill., 49 euros ; « le Livre enluminé, l’image médiévale », par Roland Recht, 224 pages, 59 euros ; « le Royaume de France en 1500 », par Didier Le Fur, 128 pages, 9,90 euros.
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