LORSQU'IL FIT REVENIR « le Cid » à Avignon, il en présenta une mise en scène vive, avec un montage assez cinématographique, de séquences glissant les unes sur les autres. Avec « Andromaque », Declan Donnellan pulvérise les bases tragiques : plus d'unité, ici, mais un souci de nous montrer des actions qui ne sont évoquées que dans les paroles et même des personnages. Ainsi fait-il une place omniprésente à Astyanax, (Sylvain Levitte) le fils d'Andromaque (Camille Cayol), et cela change beaucoup la manière dont nous recevons le chef-d'oeuvre. Mais ce qui sera beaucoup plus discuté, c'est le ton très prosaïque, les comportements, plus proches d'un naturel de feuilleton que du hiératisme tragique.
Aux Bouffes du Nord, des chaises d'école, contreplaqué et tubulures, sont alignées au fond de l'espace. Les interprètes sont là, les femmes dans de petites robes noires assez chics, très cocktail, et les hommes en uniformes. Pas d'appui de jeu, hors ces chaises que l'on déplace parfois jusqu'à en faire les sièges d'église du mariage en robe immaculée...
La tragédie fut créée en 1667. Un quatuor s'y dessine : la scène est dans le palais de Pyrrhus fils d'Achille, (Christophe Grégoire) qui doit épouser Hermione (Camille Japy) mais qui aime en fait Andromaque, veuve d'Hector, et promet de sauver son fils si elle accepte le mariage... Les Grecs envoient Oreste (Xavier Boiffier), qui aime Hermione, chercher l'enfant. Mais elle, c'est Pyrrhus qu'elle aime.... Tout est en place pour que les noeuds se resserrent et étranglent chacun, jusqu'à la mort de Pyrrhus, tué par Oreste sur ordre de Hermione – mais elle le lui reproche, évidemment, et se tue tandis qu'Oreste sombre dans la folie.
Ce que saisit Donnellan, c'est la versatilité, l'incapacité de chacun, ici, à savoir ce qu'il veut vraiment, la contradiction des désirs, des pulsions, des volontés, les actes qui contrarient la raison. Mais il enlève tout hiératisme, on l'a dit, et nous montre les personnages comme des humains très humains et jusqu'aux petitesses, mesquineries, ridicules... tous sont des enfants qui ont été ligotés par la vie de leurs illustres parents. Il faut accepter ce parti pris. Pour les comédiens, c'est très délicat, car il ne faut pas aller jusqu'à la « sitcom » ! Ce parti peut irriter, mais il y a une vérité sidérante des passions dans cette version.
Saluons le quatuor, plus l'enfant, et leurs camarades, Vincent de Bouard (Phoenix), Dominique Charpentier (Céphise), Romain Cottard (Pylade), Anne Rotger (Cléone).
Théâtre des Bouffes du Nord, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h 30 en matinée le samedi. Durée : 2 h 30 entracte compris (01.46.07.34.50).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature