DANS «DELTA», Mundruczó nous entraîne dans une région qui semble hors du temps. Le delta – comme le titre l'indique – du Danube, en Roumanie, un labyrinthe de voies navigables, d'îlots et de végétation sauvage qui coupe la population locale du reste du monde. Un cadre idéal pour une ode à la nature et à la liberté et pour une tragédie qui n'a guère besoin de mots pour advenir. Le jeune réalisateur de 33 ans, qui signe déjà son troisième long métrage, s'intéresse peu à la psychologie quotidienne, au profit d'une réflexion sur la vérité des sentiments qui s'opposent aux tabous et aux conventions. Pour parler clair, il met en scène un frère et une soeur qui s'aiment, ce qui sera inacceptable pour cette communauté fermée, à la vie difficile.
Le film se déploie au rythme du fleuve, lentement.
Le frère et la soeur s'isole dans une cabane loin des autres, dans un univers qui n'appartient qu'à eux. Il construit une maison sur pilotis, il pêche, elle se baigne… On a le temps d'apprécier ces paysages brumeux et d'un romantisme sombre, de se laisser gagner par cette ambiance particulière.
À mettre aussi au crédit du film ses deux interprètes, Orsi Tóth et Félix Lajkó, un violoniste célèbre dans son pays, qui a composé la musique du film. Il n'a pas aimé cette expérience d'acteur et c'est peut-être ce qui donne à sa composition de rebelle ce supplément d'âme qui met légèrement mal à l'aise.
Un décalage qui s'apparente à une dépossession.
On n'est pas sûr de comprendre où veut en venir Lucrecia Martel avec «la Femme sans tête». Elle raconte qu'elle fait souvent des cauchemars dans lesquels elle tue quelqu'un. «Et tu ne pleures jamais les gens que tu as tués?», lui demande-t-on. «C'est que je ne les connais qu'à peine», répond-elle.
Dans le film, la femme du titre (Maria Onetto) est au volant de sa voiture, quand, se penchant pour attraper son téléphone portable, elle heurte quelque chose ; elle ne descend pas pour voir de quoi il s'agit ; les jours suivants, elle semble disparaître, devenir étrangère aux personnes et aux choses qui l'entourent. Puis elle dit à son mari qu'elle a tué quelqu'un sur la route ; ils refont le chemin, ils ne trouvent qu'un chien.
L'histoire ne s'arrête pas là, puisqu'on découvrira effectivement un corps. Mais comme tout est vu par les yeux de cette femme qui semble n'avoir plus toute sa tête, on peut tirer des conclusions différentes.
La réalisatrice montre bien comment l'existence quotidienne peut perdre de sa réalité dans certaines circonstances ou états psychiques. Avec des petits détails, elle installe parfaitement le décalage dont souffre son héroïne, qui ressemble moins à un cauchemar qu'à une dépossession de soi. Mais ensuite le film n'évolue guère et sa fin est peu lisible. Dommage.
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