A entendre parler certains éditeurs, on pourrait croire que les parcs de la concurrence sont victimes d'hémorragie et se vident de leurs utilisateurs.
Or, quand on étudie le phénomène migratoire de plus près en demandant à chacun ses chiffres, on aboutit à environ 2 500 migrations pour l'année et encore ce chiffre est-il dû pour une bonne part à des reprises de parc entier de logiciels spécialistes par Axilog (qui annonce 1 700 récupérations en 2003). Finalement, on peut évaluer entre 1 000 et 1 500 le nombre de médecins ayant quitté leur éditeur pour un autre (et réciproquement).
Offres de reprise
Une chose est sûre, dans un contexte de croissance morose, les éditeurs se sont engouffrés sur le créneau de la seconde informatisation ou « récupération ». Les médecins déjà informatisés sont par ailleurs une clientèle appréciée car mieux formée.
Du coup, les campagnes de communication sur le thème de la reprise dans la plus pure tradition de l'industrie automobile se sont multipliées. Et oui, médecins, votre vieux logiciel même sous DOS vaut encore quelque chose...
400 euros chez 123 Santé, 200 euros chez Intellio, moins 50 % de réduction chez Adamis, etc.
Axilog a envoyé des mailing proposant aux médecins déjà équipés de passer sur Axisanté pour 60 euros par mois (sur trois ans une année de thesaurus Vidal Semp compris alors que le prix habituel est de 80 euros/mois).
Chez Eglantine, les médecins déjà équipés d'un logiciel ne payent que 750 euros au lieu de 1 340 pour le logiciel complet, six mois de maintenance compris. « Editeur indépendant, suivi personnalisé de haute qualité, reprise de vos données... », écrit MustInfo pour Médimust.
« Nous reprenons votre ancien logiciel et nous récupérons vos fichiers », assure CRIP (Coxxi32-Médicawin), qui ajoute « choisissez un éditeur de confiance ».
Quant à Cegedim Logiciel Médicaux, agacé des attaques commerciales de la concurrence sur son parc, sa publicité propose jusqu'à la fin de l'année 920 euros de reprise sur l'ancien logiciel pour évoluer vers Crossway Ville. Le nouvel utilisateur ne paye au bout du compte que la moulinette de récupération de ses données. CLM annonce avoir récupéré 350 clients d'autres logiciels séduits par Crossway.
Organiser sa migration interne
Il faut dire que les soubresauts du parc de 23 000 médecins informatisés constitué par Cegedim avec ses différents rachats ont aiguisé les appétits. L'annonce en novembre 2002 de l'abandon du développement de certaines logiciels (dBmed, Ordogest, Dia notamment) avait suscité des réactions très vives (voir « Les utilisateurs se rebiffent » dans le Cahier du 30 janvier 2003).
Depuis, après une période de « rodage », comprenant un tour de France avec présentation de Crossway au anciens utilisateurs, CLM a lancé le « process global » maintenant considéré comme « industrialisé ».
Les moulinettes pour les logiciels Dia et Ordogest sont fin prêtes et les revendeurs ont été formés, la migration des données se faisant chez le médecin et la moulinette étant facturé 450 euros TTC. « Une migration, explique le Dr Pierre Bruneau, chez CLM, s'accompagne toujours d'une réorganisation du PC (parfois, il faudra l'upgrader) et d'un accompagnement personnalisé. »
Le « process » ne doit pas interrompre l'activité du médecin. A la fin de la manuvre, la télétransmission doit marcher, l'antivirus est réinstallé, l'accès à Internet (on peut en profiter pour passer à l'ADSl). « Ce n'est pas faisable par un médecin seul. » Le distributeur lui propose à cette occasion un devis personnalisé, qui est contrôlé par CLM.
« Nous avons largement dépassé les 1 400 migrations à partir de nos logiciels, assure le Dr Bruneau, et avons atteint un rythme de croisière actuel de 250 logiciels par mois, soit 5 à 10 par revendeur. » Les moulinettes dBMed et Medigest seront prêtes en fin d'année. « Nous croulons sous les demandes pour Médigest, surtout pour les cabinets de groupes. La moulinette Médigest va être tip-top, même les maquettes seront reprises. »
Ces problèmes d'organisation de la migration se retrouvent chez tout éditeur qui propose une nouvelle version radicalement nouvelle de son logiciel.
C'est le cas de MédiStory 3. Son éditeur, Prokov Edition a d'ailleurs prévu dès le départ une migration douce sur trois quatre ans et les faits lui donnent raison. La nouvelle version nécessite la plus souvent un changement de matériel, elle marque un changement dans les habitudes et le système économique de l'éditeur (qui ne fait pas payer de maintenance) impose au médecin de pratiquement racheter le logiciel. « Le processus a débuté en juillet 2002, actuellement nous sommes au quart du parc total, soit à plus de 1 500 et atteindront 2000 à la fin 2003 », précise Thierry Kauffmann.
A comparer avec la migration plus simple d'une version majeure mais qui ne modifie pas les habitudes de l'utilisateur comme la migration du parc Hellodoc (15 000 utilisateurs) vers la V5 : « On a commencé à livrer les cédéroms en juillet et on aura terminé en décembre », dit Mme Minault, directrice d'Imagine Editions.
Vous avez dit reprise ?
D'un éditeur à l'autre, la récupération des données fait l'objet de discours différent.
Il y a les prudents comme Thierry Kauffmann : « Nous reprenons au coup par coup sur devis (fourchette de 170 à 600 euros). On est un peu pointilleux et on demande au médecin d'envoyer un échantillon sur lequel nous adaptions nos moulinettes. la migration définitive est exécuté chez nous à Nancy par chronoposte. Cela ne représente pas plus de 20 par an mais on en refuse. »
« Nos reprises concernent en général des cabinets de groupe. On a développé de petites routine, on fait un devis à chaque fois en fonction du taux de récupération désiré par le médecin (de 350 à 700 euros). Récupérer les images d'audiométrie scannées par un ORL, c'est coton », dit Martial Bellegarde, chez FISI. Le devis est également variable chez HyperMed où la récupération assure 90 % des ventes.
Il y a les partisans du forfait, comme Hellodoc qui pratique un prix unique (152 euros et souvent gratuit pendant le MEDEC) et pense récupérer environ 400 utilisateurs sur l'année 2003. « Nous récupérons le minimum requis c'est-à-dire l'état civil, la consultation, les ordonnances et plus si l'utilisateur le désire. Car pour les photos et les maquettes, c'est une question de temps », explique le spécialiste « récupération » d'Imagine Edition. Le médecin devra attendre de quinze jours à un mois pour récupérer ses données envoyées chez l'éditeur et faire cohabiter les deux logiciels pour continuer à travailler pendant cette période.
Chez Eglantine, la moulinette est gratuite, pour la majorité des logiciels et pour toute fourniture de fichiers au format ASCII (format texte) ou Access (base de données).
D'une manière générale, l'export ASCII garantit la récupération de l'essentiel (sauf des images difficiles à récupérer en format texte !).
Quelques éditeurs, comme CLM déjà cité, préfèrent mettre en uvre la migration chez le médecin. 123 Santé fournit même un logiciel de Récupération et d'importation structurelle des données (RIS) directement au médecin, après l'avoir adapté grâce à une copie de ses fichiers.. La migration s'effectue avec l'aide de la hot et de la télémaintenance (logiciel gratuit).
Avouez que la différence de ces politiques commerciales a de quoi laisser perplexe l'utilisateur en quête de changement.
Des moulinettes associatives
Si Jean-Christophe Averty y fit passer des femmes et des bébés, du temps de la télé en noir et blanc des Raisins Verts (1963), les éditeurs de logiciels, eux, s'en servent surtout pour hacher de la donnée. Ce sont en fait des programmes un peu particuliers, chargés de récupérer et de convertir des données d'un format dans un autre.
A lire les réponses des éditeurs à notre question « pour quels logiciels avez-vous des moulinettes prêtes et efficaces », ce sont les logiciels de Cegedim qui ont fait l'objet de leur plus grande attention.
Ainsi que de celle de nouvelles associations. @medulo, fondée par les Drs Damien Simon et Frédéric Cosnier, est née de la vague des récalcitrants à la migration Crossway ; elle ambitionne de faire développer un nouveau logiciel communicant et, en attendant, présente dans une série de réunions et sur son site Web (1) « son fantastique outil de récupération de données ». X-Files est un logiciel générique de sauvegarde, de récupération et de restructuration des données de tout logiciel. Les données sont ensuite lisibles dans les outils du commerce (Excel, Access) de façon à s'émanciper de son éditeur pour 135 euros.
Une autre association, ALMA (Association pour un logiciel médical associatif), dont le secrétaire est le Dr Raymond Attuil (2), regroupe des utilisateurs déçus. ALMA a fait réaliser un logiciel pour lequel la moulinette Ordogest est prête (dBMed, Dia, Easyprat, Coccilog, c'est en cours). Si les logiciels Cegedim ont concentré l'offensive, ils ne sont, en effet, pas seuls dans le peloton de tête des « repris » où se retrouvent aussi, pour des raisons compréhensibles, les logiciels qui ont connu des périodes d'incertitude quant à leur devenir, notamment pour des raisons financières (Coccilog, repris par CRIP, Easyprat, sauvé de justesse par un nouvel investisseur, Maxidoc, récupéré par Hellodoc, SESAM Doc ou Ambroise, récupérés par Axilog). Il faut bien se rendre compte que toutes les difficultés d'un éditeur (y compris lorsqu'il rachète un autre logiciel) sont mises à profit par la concurrence pour se placer. Le pire serait de se précipiter.
(1) www.amedulo.freesurf.fr.
(2) attuil@wanadoo.fr.
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