En France, où le marché de progiciels de production de solutions de SIH est porté par quelques acteurs nationaux et étrangers, sonder les utilisateurs permet d’avoir une vision du degré de maturité de l’offre. Ainsi, actuellement sur le pont pour déployer son nouveau système de gestion de la production de soins dans un environnement Medasys, le CHU de Bordeaux est bien placé pour analyser les solutions du marché, et plus singulièrement celle qu’elle a retenue. « Nous constatons une nette amélioration des composants logiciels depuis quelques années. Et qui varie en fonction des disciplines. En MCO classique, je dirais que les solutions proposées sont matures à 80 %. En clair, elles sont utilisables en environnement de production. Encore faut-il y apporter des améliorations. Il ne s’agit pas d’évolutions liées aux spécificités de notre établissement, mais bien d’enrichissements qui profiteront plus tard à toute la communauté hospitalière », considère Valérie Altuzarra, directrice des systèmes d’information. Pour cette dernière, le taux d’adaptabilité des outils peut descendre jusqu’à 60 %, pour des disciplines comme la réanimation ou la pédiatrie, ce qui rend alors le logiciel inexploitable en l’état. « Nous avons par exemple mis à la disposition d’un de nos services de réanimation un outil qui s’est avéré très vite inopérant. Il faut retravailler sa couverture fonctionnelle pour aboutir à une solution opérationnelle. »
CHU de Bordeaux, une évolution itérative
Face à une telle situation, le CHU de Bordeaux a mis en place un véritable partenariat avec ses fournisseurs. Une collaboration fondée sur une démarche d’évolution itérative de composants à déployer. La maîtrise d’ouvrage, composée d’une équipe de soignants, de pharmaciens et de membres de la DSI, formule de façon centralisée ses demandes d’évolution. Celles-ci sont envoyées à l’éditeur à chaque fois que des insuffisances fonctionnelles sont détectées. Un exemple, l’équipe de projet a relevé des difficultés de compréhension dans l’interface de prescription des seringues électriques. Les fenêtres de saisie pouvaient prêter à confusion et donc entraîner des erreurs de prescription. Les libellés de cette IHM (interface homme/machine) ont ainsi été réécrits.
Aujourd’hui, ces fenêtres sont plus intelligibles. Ce cas concret vient illustrer l’hiatus qui peut parfois exister entre un outil et la pratique soignante. La réactivité et la compétence de l’éditeur permettent de prendre en compte ces évolutions qui, logiquement, contribuent au fil des ans à la maturation du logiciel français de la santé.
Il en va de même pour l’offre américaine présente en France. Pour Valérie Altuzarra, « celle-ci souffre des mêmes pathologies que l’alternative nationale : elle est incomplète et doit à chaque fois être soumise au feu de l’implémentation pour être adaptée aux exigences fonctionnelles de l’univers hospitalier ».
AP-HM, une intégration difficile
Le cas de l’implémentation de Cerner à l’AP-HM illustre bien cette affirmation. Voilà plus de deux ans que cet établissement est engagé dans un programme de modernisation de son système d’information hospitalier à partir du progiciel Millenium de Cerner. On le sait, cette plate-forme a connu moult succès dans les pays anglo-saxons et tout particulièrement aux États-Unis, où elle est utilisée dans des environnements de production de soins. À Marseille, elle peine à s’intégrer dans l’environnement informatique du premier groupe hospitalier. Pour autant serait-elle immature ? Les déboires rencontrés dans son implémentation ne sont-elles pas liés à la complexité du site de l’AP-HM ? Faisant face aux difficultés rencontrées dans la conduite de son projet, l’établissement avait décidé de le remettre à plat. Nous étions alors en janvier 2009, période coïncidant avec l’arrivée d’un nouveau directeur des systèmes d’information et de l’organisation (DSI), en l’occurrence Olivier Pontiès. L’analyse de la situation qui prévalait avait abouti à un constat : le chantier était dans l’impasse. Ses trois volets (l’intégration du dossier médical, le déploiement du portail et la sécurité d’accès) pris ensemble étaient devenus un souci. Il a fallu décider de dissocier la mise en place de ces différents pans permettant à chacun d’eux d’évoluer à son tempo.
Une constance dans l’évolution et l’adaptation
Revenant à Millenium stricto sensu, certains de ses modules (gestion de la facturation, gestion administrative du patient et gestion des urgences) devaient être mis en place en mai dernier, dans le cadre d’un site pilote centré sur l’hôpital La Timone-Enfants, choisi pour sa taille modeste (250 lits). Les nouveaux délais n’avaient pas été respectés. À la DSIO1, le problème a été clairement identifié : il s’agit d’un progiciel de facture anglo-saxonne, donc non adapté aux pratiques médicales françaises, administratives et soignantes. Pour étayer cette affirmation, l’établissement avait mis en avant l’absence de module administratif de facturation de séjours. Un vide fonctionnel complété par l’acquisition de l’éditeur Axya Systèmes et sa solution aujourd’hui intégrée dans l’offre Millenium. Celle-ci prend ainsi en compte la gestion de fonctions aussi importantes que le PMSI, la CCAM2, et la T2A. La disponibilité de ces dernières aura pris du temps, retardant ainsi les délais de leur mise en production à Marseille. Plus généralement, l’AP-HM avait estimé que Cerner dispose d’un outil correct qui doit toutefois intégrer le mode de prise en charge des hôpitaux français, différent de celui des établissements américains. Mais en choisissant de commencer par le pan administratif, l’établissement ne s’est-il pas exposé à des difficultés liées à la nouveauté de ce module au sein de Millenium ?
Pourtant, selon nos informations, cette solution serait déjà entrée en production au sein du CHU de Reims. Quant à Emosist, il a choisi de débuter par la partie médicale. Ici, tout semble se passer dans des conditions satisfaisantes. Plusieurs services cliniques des établissements affiliés à ce GCS utilisent déjà le module de gestion des rendez-vous et celui de radiologie. Le circuit du médicament et le dossier patient devraient être déployés en juin 2010.
Du côté de Siemens, la problématique est différente. L’éditeur, dont les solutions fonctionnent dans différents environnements de production (CH d’Arras, CHU de Nice, Institut mutualiste Montsouris), est présent en France depuis de nombreuses années. Une antériorité qui lui a permis de cerner les attentes du marché français. Pour autant, son offre est-elle complète et prête à l’emploi ? Les projets en cours permettent d’y apporter des éléments de réponse.
Le Dopa Nîmes du CHU éponyme
Au CHU de Nîmes, où Clinicom a été retenu comme dossier patient informatisé (DPI), il aura fallu quelques mois pour mettre en production le premier lot du projet Dopa Nîmes. Un travail qui aura nécessité la mobilisation d’une équipe pluridisciplinaire. Sa mission, adapter l’offre de Siemens aux réalités de l’établissement. « L’éditeur s'est montré à la hauteur de nos attentes et a su nous proposer une intégration de toutes les données cliniques la plus complète », avait estimé le Dr Boisson, praticien référent du projet Dopa Nîmes. Si l’industriel a apporté à son client toutes les garanties de succès de ce chantier, force est de constater que celui-ci s’inscrit dans un partenariat de codéveloppement public/privé afin de compléter les champs fonctionnels manquants dans le progiciel de base fourni. Voilà qui est clair. Le progiciel en l’état ne saurait satisfaire les attentes des cliniciens. Toutefois, il a constitué une base de travail fiable permettant d’avancer rapidement. Une réalité qui peut s’appliquer à tous les autres SIH. Au-delà de ce constat, Siemens s’est lancé ces dernières années dans le développement d’une solution de circuit du médicament, un projet qui, en soi, vient souligner l’incomplétude de Clinicom. Privilégiant le partenariat, l’éditeur collabore avec des établissements comme le CH d’Arras ou encore l’Institut mutualiste Montsouris. Pour l’heure, cette solution peine à monter en puissance.
AP-HP : identités et mouvements
À l’AP-HP, où les équipes s’emploient à mettre en place la solution Orbis d’Agfa, l’on s’achemine vers la mise en mise en production d’un premier lot : celui des identités et mouvements. Le groupe a demandé des enrichissements fonctionnels à l’éditeur afin d’adapter le progiciel à ses réalités. L’équipe de projet se charge de recevoir le contenant auquel il intègre un contenu. Selon la direction du projet, si certains modules manquent à l’appel comme c’est le cas de celui qui est destiné à la chimio, le contenu fonctionnel d’Orbis est relativement correct ; pour autant, des aménagements sont nécessaires. « La même analyse vaut pour CrossWay Hopital ou encore Hopital Manager », analyse un DSI qui conclut : « Tous les progiciels font l’objet d’enrichissements demandés par les utilisateurs. Ce n’est que de cette façon que nous finirons par avoir une offre complète au niveau fonctionnel. Mais il faudra du temps. »
2. Classification commune des actes médicaux.
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