L'objectif de croissance des dépenses d'assurance-maladie serait de 5,3 % en 2003

Publié le 24/09/2002
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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera présenté le 9 octobre prochain au Conseil des ministres et discuté par les parlementaires tout au long de l'automne, avant d'être définitivement voté vers la fin du mois de novembre. Le PLFSS pour 2003, élaboré par le gouvernement Raffarin et défendu par le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, devrait fixer l'évolution des dépenses d'assurance-maladie pour l'année prochaine à 5,3 %.

Un taux bien plus élevé que celui arrêté pour 2002, et qui était de 3,8 %.
Le gouvernement a donc voulu donner un peu d'oxygène aux professions de santé et rassurer les praticiens libéraux en particulier. Cependant, on ne sait pas encore quelle part sera dévolue à la progression des soins de ville et quelle part ira à celle de l'hôpital.
Cette forte croissance, inhabituelle, du taux de l'objectif des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) était plus ou moins attendue par les observateurs après les rencontres des syndicats médicaux avec le ministre de la Santé. M. Mattei voulait montrer que la politique en la matière avait changé et qu'il voulait mettre en place un taux qui serait respecté. Bien qu'aucune sanction ne soit infligée aux praticiens en cas de non-respect de cet objectif.

Un taux réaliste ?

Pour le gouvernement, il s'agissait de mettre en place un objectif de dépenses « réaliste ». En effet, l'évolution des dépenses prévue en 2002 par la commission des comptes de la Sécurité sociale (qui s'est réunie hier) atteindrait 7,2 %. Donc bien loin des 3,8 % inscrits dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de cette année. Cela montre, selon des parlementaires de l'actuelle majorité, toute « l'utopie de la politique en matière de santé de l'ancienne équipe gouvernementale ».
Pour autant, est-on certain que l'objectif prévu cette année par le PLFSS 2003, s'il est finalement adopté par les parlementaires, sera respecté ? La réponse n'est pas du tout certaine, même si le taux laisse un certaine marge de manœuvre aux médecins libéraux. En outre, il est possible que des mesures complémentaires, concernant notamment les médicaments, soient mises en application. Selon le rapport de la commission des comptes, l'objectif « intègre un effort d'économies par rapport à l'évolution tendancielle qui semble se situer dans la période actuelle aux alentours de 6,5 à 7 % ».

Des syndicats sceptiques

Pour les syndicats médicaux, que « le Quotidien » a joints avant la réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale, le taux de 5,3 % sera très difficile à tenir pour tous les acteurs du monde de la santé. Mis à part le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux, qui estime que, « pour une fois, on aura un ONDAM un peu plus réaliste et donc tenable », les autres organisations laissent percevoir une certaine déception. C'est notamment le cas du Dr Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France, pour qui, « l'année prochaine encore, l'ONDAM sera dépassé ».
Il est clair, poursuit-il, « qu'on reste dans le même schéma, avec le même raisonnement, et qu'à cet égard on n'avance pas ». Pour le président de la FMF, « il faudrait au moins prévoir 7 % d'évolution pour avoir au moins une chance de rester dans les clous ».
Plus critique encore, peut-être parce qu'il est particulièrement déçu par la démarche du gouvernement, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, estime qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. « Une nouvelle fois, explique-t-il, cet objectif est fixé au doigt mouillé, au pifomètre, sans que le moindre critère médical ou de santé publique soit pris en compte. Ce n'est pas sérieux. Il faut changer de méthode, il faut inventer un nouveau raisonnement ».
A cet égard, le fait que le ministre de la Santé ait annoncé que le PLFSS 2003 était un texte de transition et qu'assurément celui de l'année prochaine serait plus innovant pourrait rassurer les syndicats médicaux.
Pour le Dr Pierre Costes, président de MG-France, les généralistes sont peu concernés par l'ONDAM. « Il faut bien se rappeler, dit-il, que même avec un ONDAM serré, les généralistes n'ont jamais dépassé l'objectif fixé. Ce qui m'intéresse surtout, ce sont les choix qui seront faits à l'intérieur même de cet ONDAM : quelle sera la part de la médecine de ville par rapport à celle de l'hôpital ? C'est à ce niveau que nous verrons les choix que fait le gouvernement. » Et pour le président de MG-France, « il est aujourd'hui hors de question de laisser sans rien dire d'autres secteurs non contrôlés poursuivre sur leur chemin actuel ». D'abord visé, on l'aura compris, le médicament. Mais aussi l'hôpital.
Si cet objectif s'il n'est pas réaliste, selon bien des syndicats médicaux, il n'aura aucune conséquence pour les médecins libéraux, même en cas de dépassement important. Le système des lettres clés flottantes élaboré par le précédent gouvernement sera bel et bien abrogé. « L'ONDAM, se réjouit d'ailleurs le Dr Dinorino Cabrera, ne sera plus opposable, ce qui est monumental. Et si on met en place des outils qui responsabilisent le corps médical, on peut faire des engagements pluriannuels, sur deux ou trois ans. »

Plus de 6 milliards de déficit pour la branche maladie

Ce qui, pour le gouvernement, serait un gage de bonne volonté des médecins libéraux et permettrait, du moins l'espère-t-il, freiner la progression actuelle des dépenses. Car les résultats prévus par la commission des comptes pour 2002 sont mauvais. Avec un déficit de 6,1 milliards d'euros en 2002 pour la seule branche maladie et de 3,3 milliards cette année (contre 2,4 prévus en juillet) pour le régime général, le dérapage est considérable. D'autant que les experts, pour 2003, sont encore plus pessimistes. Certes, le ralentissement des recettes explique en partie ce déficit supérieur aux prévisions, mais la « vive croissance des dépenses » est d'abord à prendre en compte, note la commission des comptes. Le retour à l'équilibre du régime général, explique-t-elle d'ailleurs, « suppose avant tout de régler le problème de l'assurance-maladie ». Un secteur qui demandera toute l'attention du gouvernement et du Premier ministre, s'ils ne veulent pas s'exposer à de graves désillusions dans quelques mois.

La situation du régime général (en millions d’euros)
 
2001
(définitif)
2002
(estimation)
2003
(prévision)
Dépenses
224 960 (+ 6,5 %)
234 823 (+ 4,4 %)
245 175 (+ 4,4 %)
Recettes
226 144 (+ 6,7 %)
231 554 (+ 2,4 %)
240 560 (+ 3,9 %)
Solde
+ 1 154
– 3 269
– 6 614
La situation de la branche maladie (en millions d’euros)
Dépenses
111 028 (+ 6,9 %)
117 742 (+ 6 %)
123 750 (+ 5,1 %)
Recettes
108 960 (+ 6,6 %)
111 161 (+ 2,5 %)
115 116 (+ 3,8 %)
Solde
– 2 068
– 6 081
– 8 234

Jacques DEGAIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7184