L'obésité est associée à des altérations physiopathologiques, qui touchent notamment les fonctions cardiaques, pulmonaires et immunologiques. Et une augmentation de certaines pathologies a été montrée : diabète, HTA, coronaropathies et cancer. Aux Etats-Unis, on estime à environ 300 000 le nombre des décès en relation directe avec l'obésité chez les adultes.
C'est en raison de cette fréquente comorbidité que l'on a considéré l'obésité comme un facteur de risque majeur dans le domaine chirurgical.
De fait, quelques études ont montré que le risque d'infection des plaies mineures dans des situations chirurgicales variées est augmenté chez les obèses.
L'équipe suisse de Daniel Dindo et coll. (Zurich) a voulu connaître l'effet de l'obésité sur les différents types de complications postopératoires et s'il existe un besoin de recourir à d'autres thérapeutiques.
Morbidité comparable
Une cohorte de 6 336 patients traités en chirurgie générale élective a été étudiée de manière prospective. Parmi eux, 808 étaient obèses, avec une surreprésentation féminine (p < 0,0001). L'obésité était légère pour 569 (IMC comprise entre 30 et 34,9 kg/m2) et sévère pour 239 (IMC ≥ 35 kg/m2). Les interventions pour traitement de l'obésité ont été exclues. On a comparé les incidences de la morbidité chez les sujets obèses et chez ceux qui ne le sont pas. Les taux se révèlent comparables (15,1 % et 16,3 %). L'augmentation des infections sur plaie après chirurgie à ciel ouvert est confirmée (p = 0,03).
L'incidence des complications n'est pas sensiblement différente entre les obèses légers (16 %), les obèses sévères (15,1 %) et les non-obèses (16,3 %).
L'analyse, en régression multivariée, ne fait pas apparaître l'obésité en tant que facteur de risque de survenue de complications postopératoires. Et les résultats de certaines études montrant une augmentation des complications postopératoires après chirurgie cardiaque, orthopédique, urologique et de transplantation ne sont pas confirmés. La taille limitée jusque-là des échantillons peut expliquer ces différences de résultats.
Une limite au travail de Daniel Dindo et coll. : l'évaluation de la morbidité pendant l'hospitalisation, telle qu'elle a été réalisée (médiane d'hospitalisation de une à deux semaines, selon le type de chirurgie), risque de sous-estimer l'incidence des thromboembolies postopératoires.
Sans risque supplémentaire jusqu'à un IMC de 40
La conclusion des auteurs, que « la chirurgie élective peut être réalisée sans risque supplémentaire chez des patients en surpoids jusqu'à un IMC de 40 kg/m2 » est importante.
La prévalence de l'obésité augmente dans les pays industrialisés. Un Américain du Nord sur cinq a actuellement un IMC > 30 kg/m2 (seuil de définition de l'obésité). Ils pourraient être 40 % dans ce cas en 2025. En Europe, la situation est en train de devenir comparable.
Cela concerne donc dès à présent potentiellement 40 millions d'habitants aux Etats-Unis et entre 60 et 80 millions de personnes en Europe.
« The Lancet », vol. 361, 14 juin 2003, pp. 2032-2035 et éditorial pp. 2001-2002.
Les interventions de réduction pondérale
« Il s'est produit une modification des conceptions vis-à-vis de l'obésité majeure », note Edward Mason dans un commentaire. Il y a une cinquantaine d'années, certaines interventions étaient contre-indiquées dans les obésités de stade III. On traite maintenant chirurgicalement les obésités morbides lorsque la diététique est inefficace. Les obèses de classe III (caractérisés par un IMC ≥ 40 kg/m2) étant peu représentés, la conclusion de l'étude de Dindo et coll. portant sur les obésités légères et sévères (I et II) ne peut donc être extrapolée à leur cas. On note que seulement 110 personnes de l'effectif présentaient ce type d'obésité. La sécurité de la chirurgie doit être vérifiée.
Néanmoins, remarque le commentateur, les registres colligeant les interventions pour traiter les obésités morbides ne font pas apparaître d'augmentation du risque de complications postopératoires.
Le « International Bariatric Surgery Registry » (88 % d'obèses de stade III) montre un faible taux de déhiscence de la cicatrice ou d'éviscération (0,12 %), d'infections de la plaie opératoire (1,17 %) ou de complications majeures (2 %).
Davies et coll. ont colligé les résultats en chirurgie ambulatoire chez 258 obèses morbides et conclu que cela ne peut constituer un facteur d'exclusion de la chirurgie.
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