De notre correspondante
«IL S'AGIT d'un nouvel élément du puzzle de l'obésité qui explique pourquoi beaucoup d'obèses ont des troubles de la satiété», explique au « Quotidien » le Pr Froguel (institut Pasteur de Lille et Imperial College de Londres).
«La leçon première de la génétique de l'obésité est que c'est une maladie de la prise alimentaire et non du stockage des graisses.»
«Bientôt, nous pourrons mieux dépister les troubles cachés de l'appétit chez les obèses et mieux prendre en charge le volet alimentaire du traitement. Nous pourrons aussi nous concentrer sur des traitements qui augmentent la libération des hormones satiétogènes, plutôt que de cibler des récepteurs présents dans le cerveau et associés à maints effets secondaires.»
Code pour la proconvertase 1.
Plusieurs études génomiques de liaison, dont deux sur des Français caucasiens, avaient identifié une région du chromosome 5q liée à l'obésité. Or dans cette région réside le gène PCSK1 qui code pour la proconvertase 1 . Cette enzyme transforme plusieurs prohormones en hormones qui régulent le métabolisme énergétique central et/ou périphérique (insuline, glucagon et ses dérivés comme le GLP1, propiomélanocortine, qui provoque la satiété).
Des mutations du gène PCSK1, aboutissant à l'inefficacité quasi totale de l'enzyme, sont connues pour causer une forme monogénique d'obésité, identifiée chez trois patients obèses souffrant également d'une dysfonction intestinale.
L'équipe du Pr Philippe Froguel a voulu vérifier si des variations du gène PCSK1 pourraient contribuer à l'obésité (forme polygénique). Utilisant une approche en plusieurs étapes, ils ont étudié plus de 1 350 personnes d'origine européenne.
Dans un premier temps, 9 variants (ou SNP) ont été génotypés chez 1 045 adultes obèses (IMC > 30 kg/m2) et 1 265 témoins non obèses, tous français caucasiens. Deux variants (rs6 232 et rs6 235) se montraient le plus fortement associés à l'obésité.
L'association entre ces deux variants et l'obésité a ensuite été confirmée dans deux autres études cas-témoins adultes (3 074 cas/2 790 témoins danois ; 551 obèses sévères/542 témoins suisses), ainsi que dans des études cas-témoins d'enfants (1 010 enfants obèses français/580 témoins ; 283 enfants obèses ou en surpoids d'origine allemande/715 témoins). L'association de ces deux variants a été confirmée dans une série de familles discordantes suédoises. Enfin, le variant rs6 235 a été testé dans la cohorte française DESIR (5 195 personnes) suivie pendant neuf ans, et l'allèle à risque était bien associé à une augmentation du risque d'obésité. Ces variants confèrent à la proconvertase une activité intermédiaire entre celle identifiée chez les patients atteints d'une obésité monogénique et celle du gène non muté. Les porteurs de ces variants de PCSK1 ont aussi tendance aux hypoglycémies postprandiales, du fait de troubles de l'insuline.
Hormones régulant le métabolisme énergétique.
Cette découverte montre que des anomalies apparemment mineures d'une enzyme clé de la maturation de plusieurs hormones régulant le métabolisme énergétique (insuline, GLP1, mélanocortine) suffisent à augmenter le risque d'obésité sévère et aussi de surpoids.
«Ces résultats placent le gène PCSK1 sur la courte liste des gènes associés à l'obésité commune, notent les chercheurs. Ils soulignent la nécessité d'étudier l'enzyme et ses substrats afin d'identifier des cibles thérapeutiques spécifiques pour le traitement de l'obésité.»
L'équipe de Philippe Froguel avait précédemment découvert que des variants fréquents du récepteur de la mélanocortine 4 jouent un rôle dans l'obésité. Quatre pour cent des Français atteints d'obésité sévère sont porteurs de variants à risque du gène de la melanocortine 4, un neuropeptide sécrété en réponse à la leptine à l'action satiétogène.
« Nature Genetics », DOI : 10.1038/ng. 177.
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