L'obésité continue à progresser en France

Publié le 19/06/2003
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L'enquête ObEpi, fruit d'un partenariat entre l'institut Roche, le Dr Marie-Aline Charles, épidémiologiste à l'INSERM (unité 28), le Pr Arnault Basdevant, chef du service de nutrition de l'Hôtel-Dieu, et la SOFRES, a permis de donner en 1997, en 2000 et aujourd'hui « une photographie de la situation concernant l'obésité et le surpoids en France ».

Cette enquête épidémiologique de grande envergure, réalisée à partir d'un échantillon représentatif (20 000 foyers) de la population adulte française, permet non seulement de réaliser l'état des lieux à un moment donné, mais également de faire des projections sur l'évolution de l'obésité, la méthodologie employée étant la même depuis 1997.
Les résultats publiés pour 2003 montrent, en premier lieu, une légère évolution de la taille moyenne des Français(es) de 0,2 cm en six ans : la taille moyenne en 2003 étant de 168,3 cm. Le poids moyen est passé de 68,4 kg en 1997 à 69,2 kg en 2000 et est de 70,1 kg en 2003, soit un gain moyen de 1,7 kg en six ans. La population française a donc continué de grossir. Elle a gagné aussi en tour de taille : un peu plus de 2 cm tous les trois ans.
En 2003, 58, 4 % seulement de la population française n'est pas en surpoids (IMC < 24,9), 30,3 % sont en surpoids (IMC 25 à 29,9) et 11,3 % sont obèses, dont 0,6 % en obésité massive (IMC > 40 kg/m2). Ces chiffres montrent une progression régulière de l'obésité de 17 % tous les trois ans : de 8,2 % en 1997 à 9,6 % en 2000 et 11,3 % en 2003. Plus grave encore : la proportion de personnes victimes d'obésité massive, morbide, a doublé en six ans.
En résumé, en 2003, plus de 5,3 millions de personnes adultes sont obèses et 14,4 millions en surpoids sur une population de 47 686 810 français âgés de 15 ans et plus.
Cette progression du surpoids et de l'obésité se retrouvent dans les deux sexes, dans toutes les tranches d'âge, et augmente avec l'âge et la sédentarité. La prévalence de l'obésité devient même préoccupante dans la tranche d'âge de 35 à 44 ans, qui accuse une augmentation de 51 % (la prévalence de l'obésité est passée de 8,4 % à 11,6 % dans cette tranche d'âge). Les seniors, les plus de 65 ans, n'échappent pas au phénomène, « un phénomène, précise le Pr Basdevant, à prendre davantage en compte du fait du vieillissement de la population dans les politiques d'information et de prévention ».
Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées par cette augmentation du surpoids et de l'obésité, même si les professions libérales et les cadres supérieurs sont relativement épargnés. Si le nord de la France (15,3 % d'obèses) et le Bassin parisien (12,8 %) restent les régions à plus forte prévalence d'obésité, - l'ouest étant celle avec la plus faible (9,7 %) -, toutes sont touchées par l'augmentation de la prévalence du surpoids et de l'obésité, que les personnes habitent en ville ou à la campagne.

Des répercussions sur la santé

Cette augmentation très significative de l'obésité et du surpoids s'accompagne de répercussions sur la santé (hypertension, hyperlipidémies, diabète de type 2), insuffisamment prises en compte, mal traitées, voire ignorées. Les obèses, même modérés, ont un risque accru par rapport aux sujets de poids normal : 33,1 % des obèses sont hypertendus (contre 8,2 % chez les sujets normaux), 23,8 % ont des hyperlipidémies, 10,5 % des obèses sont diabétiques.
Dans l'obésité massive (dite morbide), les complications ostéo-articulaires, respiratoires se surajoutent aux problèmes vasculaires. Les liens entre cancers et obésité ont été démontrés dans plusieurs études américaines, notamment pour les cancers du côlon, de l'endomètre, des voies urinaires.
Cette évolution de l'obésité n'est pas propre à la France, elle se retrouve dans le monde entier dans les deux dernières décennies. Tous les pays du monde connaissent à un moment une courbe d'augmentation de l'obésité. Les Etats-Unis, depuis 1980-1990, ont connu une augmentation régulière de la prévalence de l'obésité avec aujourd'hui plus de 27,7 % d'obèses masculins et 34 % de femmes. L'Allemagne connaît ce phénomène depuis 1988 (20 %). En Finlande, l'obésité progresse régulièrement depuis 1980. La Grande-Bretagne a vu la prévalence de l'obésité augmenter rapidement depuis 1988 (22 % d'obèses actuellement). Jusqu'en 1990, la France échappait au phénomène, mais depuis 1997, l'obésité progresse rapidement. L'Italie, l'Espagne voient l'obésité augmenter mais dans des proportions plus faibles jusqu'à présent (Espagne, 10 % d'obèses, Italie, 9,5 %).
Si rien ne change dans cette progression régulière de l'obésité, vers 2020-2025, la France devrait rejoindre le niveau actuel des Etats-Unis. « La situation est sérieuse, constate le Pr Basdevant ; il faut agir pour inverser cette tendance, avec des méthodes simples, efficaces ». L'expérience menée à Fleurbaix-Laventie dans le Nord - Pas-de-Calais a permis de contrer la progression de l'obésité dans ces deux communes, en sensibilisant des enfants (et donc leurs parents) sur l'intérêt de repas équilibrés, sur les erreurs à éviter, sur l'exercice physique, sur l'intérêt de boire de l'eau à la place des boissons sucrées.
« Arrêter cette progression est un enjeu pour toute la société, pas seulement pour le corps médical. »

Dr Martine DURON-ALIROL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7357