De notre correspondante
à New York
La variation de l'indice de masse corporelle (IMC) est pour 50 à 90 % d'origine héréditaire. Mais l'élucidation des facteurs génétiques, qui confèrent une susceptibilité à l'obésité, est ardue car c'est un trouble polygénique complexe.
De rares causes d'obésité monogénique par des mutations dans le rétrocontrôle leptine-hypothalamus ont été identifiées, telles que sur les gènes de la leptine, du récepteur leptine et de la pro-opiomélanocortine (POMC). Des mutations du gène du récepteur mélanocortine 4 (RMC4) pourraient représenter des causes plus fréquentes d'obésité monogénique, mais leur fréquence reste controversée.
Un rappel est nécessaire pour comprendre comment ces mutations causent l'obésité. La leptine, hormone synthétisée dans les adipocytes, se fixe dans l'hypothalamus au récepteur de la leptine et stimule les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC) qui produisent une hormone, l'alpha-melanocyte-stimulating (alpha-MSH). Ce peptide alpha-MSH se fixe au récepteur mélanocortine 4 (RMC4) qui déclenche un signal anorexigène. Tout déficit dans cette boucle entraîne a priori une hyperphagie avec obésité.
La plus courante des obésités monogéniques
Deux études viennent confirmer l'importance des mutations du récepteur mélanocortine 4 (RMC4) dans l'obésité.
Farooqi et coll. (Institut de recherche médicale de Cambridge, RU) ont étudié 500 obèses atteints sévèrement depuis l'enfance. Ils ont dépisté dans cette cohorte les mutations du gène RMC4. Ils ont ensuite étudié le tableau clinique associé, ainsi que le mode de transmission de ces mutations.
Des mutations pathogènes du gène RMC4 ont été trouvées chez 29 sujets (5,8 %). « Ainsi, le déficit en RMC4 représente la plus courante des obésités monogéniques connues », notent-ils. Vingt-trois sujets étaient hétérozygotes, six homozygotes et les mutations sont transmises selon un mode codominant.
Ces patients déficitaires en RMC4 se caractérisent par une obésité sévère, une masse maigre et une croissance linéaire accrues, une hyperphagie et une hyperinsulinémie sévère.
Les homozygotes sont atteints plus sévèrement que les hétérozygotes et les mutations entraînant une perte totale de fonction du récepteur sont associées à un phénotype plus sévère. « Nos résultats suggèrent que la régulation du poids chez l'homme est sensible aux variations quantitatives du RMC4 fonctionnel », concluent-ils. « La corrélation entre les propriétés in vitro d'un récepteur à neuropeptides et une mesure d'un comportement humain complexe tel que l'apport alimentaire est frappante et peut-être unique », remarquent-ils. Ces données, ajoutent-ils, « confirment le rôle crucial du RMC4 dans le contrôle du comportement alimentaire et de la masse adipeuse chez l'homme ».
Branson (Klinik Hirslanden, Zurich) et coll. ont étudié le comportement alimentaire de 469 sujets obèses sévères chez lesquels ils ont séquencé le gène RMC4, la région du gène POMC codant pour l'alpha-MSH et le gène du récepteur leptine, ainsi que de 29 témoins de poids normal (sans régime, ni antécédent familial d'obésité).
Des accès de boulimie en cas de mutation
Des mutations RMC4 ont été trouvées chez 24 obèses (5,1 %) et un témoin. Vingt obèses avec mutations du RMC4 ont ensuite été appariés à 120 des 445 obèses sans mutation RMC4.
Résultat, tous les obèses avec mutations RMC4 signalent des accès de boulimie (« binge eating » ou gavage), comparé à seulement 14 % des obèses sans mutation RMC4 et aucun des témoins. En revanche, les obèses avec mutations du récepteur leptine ont la même prévalence de boulimie que ceux sans ces mutations.
« La boulimie est une caractéristique majeure des sujets porteurs d'une mutation dans le RMC4 », concluent-ils. Ils suggèrent que les stimulants de la mélanocortine, en cours de développement, pourraient jouer un rôle spécifique dans le traitement des troubles boulimiques.
« Les résultats de Branson et coll. doivent être interprétés avec prudence », notent toutefois, dans un éditorial, List et coll. (Boston), « un précédent résultat avait montré une prévalence de boulimie de 5 % chez les porteurs de mutations RMC4 ».
« New England Journal of Medicine », 20 mars 2003, pp. 1085, 1160 et 1096.
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