Jusqu'à présent, on savait que l'obésité dans l'enfance ou l'adolescence est un facteur de risque cardio-vasculaire ultérieur et ce indépendamment du poids à l'âge adulte. Ce constat est issu de deux études de suivi (l'une de 55 ans, l'autre de 57 ans) d'adolescents et d'enfants obèses chez lesquels une augmentation notoire de la morbi-mortalité cardio-vasculaire avait été constatée. Mais les résultats publiés cette semaine dans le « Lancet » par une équipe pluridisciplinaire à Paris vont beaucoup plus loin.
Ils montrent que l'obésité sévère chez l'enfant s'accompagne déjà de modifications vasculaires rendant compte d'une athérosclérose précoce.
C'est avec une rigueur scientifique extrême et des moyens d'investigation modernes d'échographie et d'impédancemétrie que les pédiatres parisiens ont entrepris d'étudier l'état de la paroi artérielle et des fonctions endothéliales de 48 enfants souffrant d'une obésité sévère et se rendant à la consultation hospitalière. Tous ces enfants avaient un indice de masse corporelle (IMC) excédentaire de trois déviations standards ou plus par rapport aux normes françaises correspondantes pour l'âge et le sexe. Leur obésité était significative depuis 9 ans en moyenne (de 2,7 à 15,2 ans), mais aucun n'était hypertendu. Un groupe de 27 enfants témoins également normotendus a été recruté dans un service pédiatrique adjacent dévolu à l'exploration d'un souffle cardiaque anorganique.
Etude ultrasonographique vasculaire à haute résolution
Après consentement de l'enfant et de la famille, les investigateurs ont recueilli des données anthropomorphiques, biologiques, physiologiques et dynamiques. Outre l'IMC, la répartition de la masse graisseuse de l'enfant était évaluée par absorptiométrie sur scanner corporel afin d'établir la répartition adipeuse entre le tronc, les bras, les jambes, le visage (ratio graisseux androïde/gynoïde). L'étude ultrasonographique vasculaire à haute résolution portait sur les artères carotide et radiale. La carotide a servi à la mesure de l'épaisseur du mur vasculaire (rapport intima/média), au calcul de la compliance et de la distensibilité du vaisseau (rapport des diamètres en diastole/systole).
Les fonctions endothéliales et des fibres musculaires lisses des vaisseaux étaient étudiées après décubitus et repos (30 minutes) sur l'artère brachiale. Les modifications du diamètre et du flux artériel après stimulation par hyperhémie (brassard surgonglé) et administration de monoxyde d'azote (deux facteurs vasodilatateurs connus pour être respectivement dépendant et indépendant des fonctions endothéliales) ont permis d'évaluer l'état des fonctions endothéliales. Enfin, le métabolisme glucido-lipidique des enfants était évalué par une glycémie à jeun, un test de tolérance au glucose, la mesure de la résistance à l'insuline, la cholestérolémie (totale, HDL, LDL), la triglycéridémie, la mesure des apolipoprotéines B et A1.
Un épaississement significatif
Plusieurs différences significatives entre les petits obèses et les enfants du groupe témoin sont apparues.
>La compliance des artères carotidiennes des obèses était abaissée (0,132 vs 0,143) de même que leur distensibilité. En outre, le mur carotidien de ces enfants était significativement épaissi par rapport aux témoins. La réactivité vasculaire tant dépendante qu'indépendante des fonctions endothéliales étaient également altérée chez les obèses.
Au plan métabolique, les investigateurs ont trouvé :
- une corrélation positive entre la répartition androïde des graisses et l'indice de résistance à l'insuline, d'une part, les triglycérides, d'autre part ;
- une corrélation négative entre le HDL cholestérol et la compliance artérielle ;
- une corrélation positive entre la dysfonction endothéliale, un taux bas d'apolipoprotéine A1 et l'indice de résistance à l'insuline.
A noter que, parmi les 48 petits obèses, 15 % avaient un excès de cholestérol total, 11 % de LDL-C, 11 % de triglycérides, 0 % d'apolipoprotéine B. La baisse du HDL cholestérol et de l'apolipoprotéine A concernait respectivement 21 et 16 % des enfants. Plus grave encore : 15 % des obèses avaient un test de tolérance au glucose anormal et 69 %, une résistance à l'insuline.
« Ces résultats, expliquent les auteurs, montrent que non seulement l'obésité sévère chez l'enfant augmente le risque ultérieur de maladie cardio-vasculaire, mais qu'elle est déjà associée à des altérations significatives des fonctions vasculaires. Par conséquent, une intervention directe sur ces anomalies vasculaires induites mérite considération.On peut concevoir une supplémentation en vitamines antioxydantes ou en L-arginine (qui délivre du NO) chez l'enfant ou l'adulte jeune hypercholestérolémique. Ces interventions "directes" seraient peut-être plus efficaces que la perte de poids, unique moyen dont on dispose actuellement et si difficilement obtenu. » Quel que soit le type d'intervention choisi , les moyens de surveillance non invasifs dont on dispose permettront de vérifier les résultats.
Patrick Tounian et coll., « The Lancet », vol. 358, 27 octobre 2001.
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