« IL FAUT SAUVER le vin, bénéfique pour la santé », s'exclament, dans un livre blanc demandé par le Premier ministre, les viticulteurs, les parlementaires, des professionnels de santé et les représentants des ministères concernés. « Il faut sauver la loi Evin » - en passe d'être libérée de toute contrainte publicitaire en ce qui concerne le vin - clament, dans un livre blanc-pétition à l'adresse de Matignon, les médecins-alcoologues de l'Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie), soutenus par le député PS de Loire-Atlantique Claude Evin.
Les premiers ont déjà sensibilisé la classe politique, en laissant le Sénat voter, en première lecture le 18 mai, un amendement UMP au projet de loi sur le développement des territoires ruraux. L'amendement qui permet la publicité collective pour les vins de la même zone géographique et autorise des références subjectives portant sur le goût, l'odeur et l'aspect (« le Quotidien » du 28 juin). L'Assemblée devrait s'en saisir, en deuxième lecture, à l'automne. D'ici là, Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, aura reçu, le 13 juillet, lors d'une table ronde, les représentants de la filière vini-viticole, forte de 240 000 actifs permanents, afin de résoudre certains aspects économiques de la crise du secteur. Selon Alain Suguenot, député-maire de Beaune (Côte-d'Or), rapporteur du livre blanc qui devrait être remis le 15 ou le 20 juillet à Jean-Pierre Raffarin, « il faut, au moment où des marchés gigantesques comme la Chine ou l'Inde vont s'ouvrir, un message pour dire que le vin français n'est plus celui que l'on a voulu diaboliser par le passé ». L'idée est de présenter le vin comme un « aliment » qui apporte un bienfait sur un plan nutritif, comme l'a fait l'Espagne, qui s'est doté d'une loi ad hoc en juillet 2003. Avec une consommation modérée recommandée de deux verres par jour (10 g par verre) pour les femmes et de trois verres chez les hommes, tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes cardiovasculaires. Le livre blanc s'est nourri des réflexions du groupe de travail de l'Assemblée « Vin et santé » animé par le Pr Paul-Henri Cugnenc (chirurgie digestive), député UMP de l'Hérault (1).
25 000 décès par an dus au vin.
Le livre blanc de l'Anpaa est d'une tout autre teneur. « Plus charpenté », dirait un œnologue en parlant d'un cru de qualité. Approuvé par quelque 4 600 pétitionnaires, professionnels de la santé et acteurs de prévention, il affirme, comme l'Académie de médecine, qu'un assouplissement de la loi Evin « aboutirait à une augmentation de la consommation globale de vin, et provoquerait par conséquent une hausse des dommages sociaux et sanitaires ».
Les deux tiers des patients soignés actuellement en France pour des problèmes d'alcool sont dépendants du vin. La surconsommation d'alcool est, pour les trois cinquièmes, constituée par le vin ; elle induit, en termes d'absentéisme, de perte de production et de dépenses sanitaires, un coût social de 17,6 milliards d'euros par an, soit 299 euros par habitant. Sur les 40 000 morts prématurées et évitables dues aux boissons alcooliques, 25 000 sont imputables au vin. « Deux verres (de 10 cl chacun) pour une femme et trois pour un homme, et le taux maximal légal d'alcoolémie de 0,5 g/l est atteint !», souligne l'Anpaa. « Les boissons alcooliques, quelles qu'elles soient, n'apportent aucun élément nutritif nécessaire à la constitution des tissus vivants, ni ne fournissent aucun élément indispensable comme le sont certaines vitamines et minéraux qui se trouvent dans les repas des nations industrialisées » (2) , ajoute l'association.
« Il n'est pas possible de se servir du tabac et du cannabis comme de rideaux de fumée, d'exacerber les dangers du cannabis et, dans le même temps, d'amoindrir ceux de l'alcool », dit pour sa part le Pr Michel Reynaud, secrétaire général de la Fédération française d'addictologie, signataire du livre blanc-pétition. « Entre la prohibition que nous ne voulons pas et l'incitation à consommer un produit dont on sait qu'il entraînera, pour des millions de personnes, des conséquences sanitaires et sociales négatives, il y a un juste et raisonnable milieu à préserver. La loi Evin actuelle exprime bien cet équilibre : gardons-la telle quelle !», résume le Dr Alain Rigaud, président de l'Anpaa.
(1) Le Dr Alain Rigaud a été auditionné par le groupe de travail « Vin et santé » au titre de président de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.
(2) L'alcool apporte, pour 100 g, 700 calories inutilisables autrement qu'en provoquant le stockage du sucre et des graisses.
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