LE RALENTISSEMENT sélectif de la fréquence cardiaque apparaît comme une approche attrayante pour le traitement des cardiopathies ischémiques. En effet, la fréquence cardiaque représente le facteur de consommation myocardique d'oxygène le plus important. Le ralentissement de la fréquence cardiaque peut prévenir ou réduire le déséquilibre entre apports myocardiques en oxygène et besoins. Par ailleurs, de nombreuses études épidémiologiques ont montré que l'augmentation de la fréquence cardiaque est un facteur indépendant prédictif de mortalité. Enfin, des études expérimentales suggèrent que le ralentissement de la fréquence cardiaque peut limiter la progression et la rupture des lésions d'athérosclérose, favoriser le développement des artères coronaires collatérales, améliorer le remodelage cardiaque et avoir un effet antiarythmique.
Le courant dépolarisant If du noeud sinusal, également nommé courant pacemaker, a été découvert dans les années 1980. Il joue un rôle essentiel dans la génération de la dépolarisation diastolique, dont la pente détermine l'automatisme et la fréquence cardiaques. Dès la fin des années 1980, le groupe Servier a découvert un inhibiteur spécifique de ce courant If, l'ivabradine (Procoralan), molécule originale dont le brevet international a été déposé en 1992.
Inhibition spécifique du courant If.
Les phases cliniques ont commencé dès 1994. Le dossier a été approuvé en juillet 2005 par l'European Medicines Evaluation Agency (EMEA), agence européenne des médicaments.
Une autorisation de mise sur le marché a été délivrée par la Commission européenne en octobre 2005. À ce jour, le produit a obtenu son enregistrement dans 80 pays.
L'ivabradine est le premier et le seul médicament inhibant de façon sélective et spécifique le courant dépolarisant sinusal If. Il est dépourvu d'effets sur les autres courants ioniques cardiaques. L'ivabradine respecte les fonctions cardio-vasculaires et ne modifie pas le seuil, l'amplitude et la durée du potentiel d'action. Seul produit qui diminue exclusivement la fréquence cardiaque, l'ivabradine a été mise sur le marché en France en septembre 2007. L'autorisation de mise sur le marché (AMM) précise que cette molécule est indiquée dans le «traitement symptomatique de l'angor stable chronique chez des patients en rythme sinusal et présentant une contre-indication ou une intolérance aux bêtabloquants».
La réduction de fréquence cardiaque sous ivabradine est comparable à celle que confèrent les bêtabloquants. La molécule a fait la preuve d'une efficacité anti-ischémique et anti-angineuse comparable à celle des bêtabloquants. On estime à 3 500 le nombre de patients traités par ivabradine en France.
Ce médicament représente un apport important pour la prise en charge des patients ayant une insuffisance coronaire stable chez lesquels les bêtabloquants sont contre-indiqués ou mal tolérés, d'autant que sa sécurité d'utilisation est satisfaisante. C'est ainsi que l'amélioration du service médical rendu par l'ivabradine a été reconnue par la commission de transparence.
Des essais de morbi-mortalité de grande ampleur sont en cours chez des patients coronariens comme chez des sujets ayant une insuffisance cardiaque. Les premiers résultats sont attendus en septembre prochain et seront présentés à l'occasion du congrès de la Société européenne de cardiologie.
Un programme de recherche ambitieux.
Lorsqu'une dysfonction ventriculaire gauche ou une insuffisance cardiaque compliquent une insuffisance coronaire, ils représentent des facteurs de mauvais pronostic. Les bêtabloquants ont fait la preuve de leur effet bénéfique dans ce cas. Cet effet s'explique en grande partie par la diminution de la fréquence cardiaque. Toutefois, ce ralentissement n'est pas toujours suffisant et les bêtabloquants ne sont pas toujours bien tolérés. Dans ce contexte, l'ivabradine présente un intérêt potentiel qui sera apprécié par les résultats d'une vaste étude, BEAUTIFUL (Morbidity or mortality Evaluation of the If inhibitor Ivabradine in patients with CAD and left ventricular dysfunction), dont l'investigateur principal est Kim Fox (Royal Brompton National Heart and Lung Hospital, Londres). Cette étude internationale, randomisée, réalisée en double insu contre placebo, comporte plus de 10 000 patients ayant une insuffisance coronaire, un rythme sinusal avec fréquence cardiaque supérieure ou égale à 60 battements par minute et une fraction d'éjection inférieure ou égale à 39 %. La durée de la période de suivi est de 12 à 36 mois. Le critère principal de jugement de l'étude est un indice composite associant mortalité cardio-vasculaire et hospitalisation pour infarctus myocardique ou pour apparition ou aggravation d'une insuffisance cardiaque.
L'étude SHIFT (Systolic Heart failure treatment with If inhibitor ivabradine Trial) également internationale, multicentrique, randomisée, contrôlée contre placebo, porte sur plus de 5 000 coronariens ayant une insuffisance cardiaque modérée à sévère et dont la fraction d'éjection ventriculaire gauche est inférieure ou égale à 35 % et la fréquence cardiaque supérieure ou égale à 70 battements/min. La durée du suivi est de deux ans. Le critère principal de jugement associe mortalité cardio-vasculaire et hospitalisations pour aggravation de l'insuffisance cardiaque.
Au total, l'ivabradine (Procoralan) est un médicament original et innovant issu de la recherche pharmaceutique Servier qui a justifié un avis favorable des membres du jury pour décerner à cette molécule le prix Galien du médicament utilisé en médecine ambulatoire.
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