FONDÉE EN 1987, cotée en bourse depuis 2000, Générale de santé, premier groupe de cliniques français – 196 établissements en Europe, dont 185 en France – vient de passer sous bannière italienne. L'actionnaire de référence, l'Italien Antonino Ligresti, a doublé sa participation. Il détient désormais 60 % du capital.
La nouvelle fait grand bruit, mais ce n'est pas vraiment une surprise : les rumeurs de mouvements de capitaux allaient bon train ces derniers mois. Générale de santé attise les convoitises, preuve que le secteur de la santé peut rapporter gros. En rachetant des parts de façon à devenir majoritaire, Antonino Ligresti écarte la menace d'un rachat extérieur. Les règles du marché l'obligent maintenant à déposer une offre publique d'achat (OPA) sur l'ensemble du capital. L'opération est en cours. Si elle aboutit, l'homme d'affaires italien deviendra seul maître à bord.
Le patron de l'hôpital privé d'Antony (HPA), fleuron du groupe, ne s'en étonne pas : «Générale de santé a trouvé la recette pour bien fonctionner, dit le Dr Denis Hovasse . S'il veut la contrôler totalement, c'est la preuve qu'Antonino Ligresti a confiance dans sa société.»
Une ombre au tableau malgré tout : Denis Hovasse, comme bon nombre d'acteurs français du groupe, ne comprend pas le départ annoncé de Daniel Bour, qui préside le directoire de Générale de santé depuis trois ans. «C'est un excellent pilote. S'agit-il d'un limogeage ou d'un départ volontaire? Je n'en sais rien», remarque le président de l'HPA.
Entré en 2003 dans le groupe à l'appel de Daniel Bour, Antonino Ligresti fait savoir aujourd'hui que le mandat de ce dernier expire le 18 mars 2007, et qu'il ne sera pas renouvelé. Les deux hommes, semble-t-il, n'étaient pas d'accord sur les investissements à mener. Un nouveau président sera nommé au plus tard le 30 juin. Antonino Ligresti annonce dès à présent une «nouvelle dynamique», basée sur le «développement du groupe».
Craintes et fantasmes.
Faut-il s'attendre à des restructurations sur le territoire français ? Les médecins contactés par « le Quotidien » ne redoutent pas de changement de cap radical : les cliniques du groupe sont déjà positionnées sur des activités rentables, font-ils valoir. Tous, en revanche, se demandent comment leur place va évoluer au sein du management. «Daniel Bour a instauré un partenariat très fort entre les médecins et les cliniques en créant le comité médical. Espérons que cela perdure», glisse le Dr Alain Nicolet, psychiatre breton.
Le président du comité médical de Générale de santé est tenu à un devoir de réserve car il est membre du conseil de surveillance. C'est donc à titre personnel que réagit le Dr Henri Escojido, cardiologue à Marseille : «Antonino Ligresti est lui-même médecin, il connaît le groupe, et s'inscrit dans un projet de longue durée. C'est bien.» La priorité ? «Le partenariat entre les médecins et Générale de santé doit continuer: cela semble être l'intention du DrLigresti, à lui d'en préciser les contours.»
Si l'heure n'est pas à la méfiance ouvertement affichée, des craintes s'expriment malgré tout. «Aujourd'hui, l'avis des médecins pèse dans le groupe, note le Dr Lionel Stork, ophtalmologue dans une clinique nantaise . La centrale d'achats, par exemple, tient compte de nos remarques pour le choix du matériel ou des prothèses». La nouvelle administration associera-t-elle aussi étroitement les médecins aux décisions ? C'est toute la question. «Si le cap est mis sur le renforcement de la rentabilité, cela ne peut qu'inquiéter les médecins, anticipe l'ophtalmologue. D'accord pour supprimer les prescriptions superflues, mais pas question de remettre en cause la qualité et la sécurité des soins.»
Dans la même optique, le psychiatre Alain Nicolet insiste : «Nous souhaitons garder l'indépendance de nos pratiques.»
Pour Denis Hovasse, le président de l'hôpital privé d'Antony, il s'agit là d'un «vieux fantasme» sans fondement. «A chaque changement d'actionnaires, dit-il, les médecins et les salariés craignent que les pressions s'accentuent. Je n'y crois pas. D'abord parce qu'il est impossible de changer les pratiques médicales pour des raisons financières: aucun médecin libéral n'acceptera cela. Ensuite, parce qu'Antonino Ligresti a une vision moderne de la médecine. Je ne pense pas que son intention soit d'économiser sur les compresses.»
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