LE 1er MARS 2006, les veinotoniques, qui jusque-là étaient pris en charge à 35 % par la Sécurité sociale, ont vu leur taux de remboursement passer à 15 %. Cette décision, prise par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, s'était appuyée sur un avis de la Haute Autorité de santé qui justifiait sa recommandation par un service médical rendu (SMR) insuffisant de ces médicaments et par des considérations financières. Elle jugeait en effet «impératif d'affecter les financements collectifs en priorité à la prise en charge des traitements les plus performants», sous peine de remettre en cause la « solidarité nationale » qui «prend en charge l'essentiel de cet effort». Pour les experts sollicités, «tous les médicaments, même efficaces, n'ont pas vocation à être pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire».
L'autorité scientifique s'est employée à répondre aux arguments régulièrement avancés par les phlébologues pour constater la mesure de déremboursement : le risque de prescription de classes thérapeutiques plus chères et l'inégalité d'accès au traitement. «L'analyse critique de la littérature ne permet pas de confirmer cette hypothèse», analysait la HAS en 2005. Prenant l'exemple des veinotoniques, les experts soulignaient que les Français consommaient huit fois plus de produits à SMR insuffisant que les Canadiens ou les Britanniques, alors «qu'aucune justification d'ordre physiopathologique ou sociodémographique ne permet d'expliquer ces différences». Enfin, la HAS signalait que les veinotoniques avaient été déremboursés entre 1993 et 1994 en Italie, en Espagne, en Allemagne et au Luxembourg.
Une étude économique en Italie.
En pratique, quel est l'impact du déremboursement sur le coût du traitement et des hospitalisations des patients souffrant d'insuffisance veineuse chronique ? Pour répondre à ces questions, le Pr C. Allegra (Rome) a mis en place une étude économique sur huit ans à partir de 1993, l'année où les veinotoniques ont été déremboursés en Italie. Le coût global de la prise en charge par la Sécurité sociale italienne a été divisée en trois postes : hospitalisation, consultations en médecine et coût des prescriptions. Cette étude a été menée en Lombardie, une région du nord de l'Italie, mais, pour le Pr Allegra, cette région semble assez représentative du pays en matière de consommation médicale. En 1991, le coût global lié à la maladie veineuse était de 210 millions d'euros pour le poste hospitalisations, 35,4 millions d'euros pour celui des consultations de médecins généralistes et 115 millions d'euros pour les prescriptions. En 1999, ces différents postes de dépenses publiques se sont élevés respectivement à 288, 13 et 83 millions d'euros. Le coût total de la prise en charge est donc passé de 360,4 à 384 millions d'euros.
Les coûts d'hospitalisation étaient principalement en rapport avec la prise en charge de cas graves ou compliqués par un retard thérapeutique. Pour le Pr Allegra, «la dépense globale pour la prise en charge des maladies veineuses a augmenté en huit ans en grande partie en raison des hospitalisations liées aux cas graves. En outre, on a assisté à un transfert des dépenses vers le secteur des produits en vente OTC non remboursés. Les objectifs de réduction des dépenses publiques à court terme semblent donc atteints, mais les mesures préventives –éducation et traitement prophylactiques– ont été abandonnées, ce qui pourrait expliquer la majoration du nombre de cas graves».
Pour le Dr Frédéric Vin, «on ne peut exclure que, en France, la baisse du taux de remboursement des veinotoniques s'accompagne à moyen terme d'un abandon progressif des mesures préventives, incluant l'éducation des patients et la mise en place de traitements prophylactiques, et que, de ce fait, comme en Italie, l'incidence des complications et des hospitalisations augmente».
D'après un entretien avec le Dr Frédéric Vin. Chronic Veinous Insufficiency : the Effects of Health-Care Reforms on the Cost of Treatment and Hospitalisation. An Italian Perspective. « Curr Med Res Opin », 2003 ; 19 (8) : 761-769.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature