C'EST au cours du deuxième trimestre 1998 (décret n° 98-69 du 13 mars 1998) qu'a été mis en place le nouveau système de surveillance de la listériose humaine. 1999 est donc la première année complète de fonctionnement. Le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire »* vient d'en publier le bilan chiffré, qui conclut à l'indéniable intérêt de la déclaration obligatoire.
Désormais, dès que le diagnostic de listériose est posé, le médecin adresse au médecin inspecteur de santé public (MISP) de la DDASS une fiche de déclaration. Le MISP complète alors un questionnaire qui porte sur les aliments consommés par le patient au cours des deux mois qui précèdent la maladie. Il ne comprend pas moins de 76 items, regroupés en quatre catégories : produits de la pêche (poissons, poissons fumés, crevettes et coquillages) ; produits végétaux (salades et crudités emballées, prêtes à l'emploi et germes de soja) ; produits laitiers (fromages et lait cru) ; charcuterie et produits carnés (pâtés, rillettes, jambon, saucisses, produits en gelée, produits à base de volaille).
Les réponses obtenues par recoupement de différents questionnaires, les éléments communs (aliments, chaîne de magasins) à divers patients infectés par des souches similaires permettent de remonter à l'éventuelle source commune de contamination.
Actions coordonnées
Dans le même temps, les souches de L. monocytogenes sont regroupées au Centre national de référence des Listeria (CNR), au laboratoire des Listeria de l'Institut Pasteur. Lorsque le CNR détecte sur une période de temps donnée des cas dus à des souches dites « similaires », c'est-à-dire avec les mêmes caractéristiques, la cellule Listeria est saisie pour coordonner les investigations et les actions de la direction générale de la Santé (DGS), de l'Institut de veille sanitaire (InVS), de la direction générale de l'Alimentation (DGAL) et de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).
Le CNR confirme l'identification des souches par des tests biochimiques, détermine le sérovar et le lysovar, analyse les profils de macrorestriction d'ADN afin, d'une part, de comparer exactement les souches entre elles et, d'autre part, de comparer les souches d'origine humaine avec les souches d'origine alimentaire.
Pour l'année 1999, 269 souches ont été caractérisées par le CNR : 61 (25 %) étaient materno-néonatales (MN), c'est-à-dire concernaient une femme enceinte, un produit d'avortement, un nouveau-né mort-né ou un nouveau-né de moins d'un mois, et 183 (75 %) étaient des cas non MN. Parmi ces derniers, 117 (64 %) étaient des bactériémies ou septicémies, 52 (28 %) des infections du système nerveux central et 14 (8 %) des formes autres.
Cent vingt-sept souches (70 %) ont été isolées chez des patients de plus de 60 ans, 51 (27 %) chez des patients de 21 à 60 ans et 5 (3 %) chez des patients de plus de 28 jours et de moins de 21 ans.
L'InVS a reçu 179 questionnaires alimentaires, soit pour 66 % des cas recensés (78 % pour les femmes enceintes) ; l'analyse a révélé que tous avaient consommé des produits à risque, la plupart d'entre eux en consommant d'ailleurs de manière habituelle (en moyenne, ces patients avaient consommé cinq produits différents de charcuterie et six fromages).
Au cours de l'année 1999, le CNR a effectué onze signalements regroupés. Huit d'entre eux n'ont pas eu de suite, en l'absence de source commune, mais trois ont entraîné des alertes, l'une d'entre elles permettant d'identifier le produit contaminé et de prendre des mesures immédiates. En l'occurrence, trois patients qui résidaient dans trois régions différentes (Ile-de-France, Alsace et Bourgogne) avaient consommé un fromage d'Epoisses en provenance d'un producteur unique, lequel avait subi plusieurs contrôles officiels positifs à Listeria. Ces fromages ont fait l'objet d'un rappel et les trois ministères concernés (Santé, Agriculture et Economie) ont publié un communiqué de presse pour recommander de ne pas consommer ces fromages et d'aller consulter un médecin en cas de fièvre.
Comme ces listérioses ont entraîné le décès d'un des patients et celui d'un nouveau-né né au terme d'une grossesse de 35 semaines, l'Institut de veille sanitaire considère que la nouvelle procédure de déclaration obligatoire, en améliorant la réactivité du système d'alerte et d'investigation des cas groupés, aura permis d'éviter la survenue d'autres cas probablement aussi graves. En matière de listériose, la déclaration obligatoire a ainsi fait la preuve de son intérêt dès la première année.
* N° 34/2001.
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