De notre correspondante
à New York
Il est estimé que, chaque année, 2 500 Américains contractent une listériose sévère et 500 d'entre eux en meurent. En France, une épidémie nationale en 1992, concernant 279 cas, a été à l'origine de 63 décès.
La maladie résultant de l'infection invasive par la bactérie Listeria monocytogenes est causée le plus souvent par l'ingestion d'aliments contaminés. Elle affecte principalement les femmes enceintes, les nouveau-nés et les adultes immunodéprimés.
Après invasion, L. monocytogenes se multiplie dans les cellules de l'hôte, mais on ne sait pas grand-chose sur les gènes requis pour sa survie et sa réplication intracellulaire.
Une équipe, dirigée par le Dr Mary O'Riordan (University of Michigan, Ann Arbor), rapporte dans « Science » l'identification d'un processus crucial pour la réplication de L. monocytogenes chez l'hôte : l'utilisation de l'acide lipoïque de l'hôte.
Les chercheurs ont découvert que certaines souches mutantes de L. monocytogenes, privées d'un gène (qu'ils ont appelé LplA1 en raison de sa ressemblance avec le gène LplA d' E. coli), ne peuvent pas se multiplier dans les cellules hôtes et qu'elles sont trois cents fois moins virulentes chez l'animal.
On sait que le gène LplA d' E. coli code une enzyme, la lipoate protéine ligase, qui lie l'acide lipoïque exogène à une de ses enzymes, la pyruvate déshydrogénase (PDH). La PDH joue un rôle majeur dans le métabolisme aérobie de la plupart des organismes, y compris des hommes. De fait, les hommes porteurs d'une mutation affectant la fonction PDH souffrent d'un trouble métabolique sévère.
L'équipe montre que L. monocytogenes utilise aussi son enzyme LplA1 pour lier l'acide lipoïque exogène à sa PDH. De plus, la souche mutante privée de LplA1 est incapable de se répliquer in vivo par défaut de la fonction PDH. Ainsi, l'utilisation de l'acide lipoïque de l'hôte pourrait être un processus vital pour la réplication des bactéries in vivo.
« Nous avons découvert que le cofacteur acide lipoïque, qui est important pour le métabolisme aérobie de la plupart des organismes, est crucial pour la virulence de Listeria monocytogenes », explique au « Quotidien » le Dr Mary O'Riordan. « Outre son rôle dans le métabolisme, l'acide lipoïque est aussi connu pour ses propriétés antioxydantes. De nombreux organismes prennent l'acide lipoïque de l'environnement. Toutefois, on sait que le cytoplasme des cellules de mammifères, où se répliquent les Listeria , contient très peu d'acide lipoïque à l'état libre. L'aspect intéressant de cette recherche est que les Listeria ont développé un gène, LplA1, afin de s'adapter aux faibles concentrations d'acide lipoïque libre dans le cytoplasme de l'hôte, qui leur permet d'utiliser une source complexe d'acide lipoïque trouvé dans les cellules mammifères et, peut-être, de voler le cofacteur des protéines de l'hôte dont elles ont besoin pour leur propre fonction. »
Cette recherche pourrait avoir des implications cliniques, ajoute le Dr O'Riordan. « Premièrement, une souche délétée L. monocytogenes pourrait être prometteuse pour le développement d'un vaccin. »
Des résultats prometteurs chez des souris vaccinées
L'équipe a été informée de résultats prometteurs chez des souris vaccinées par une souche délétée. « Deuxièmement, la compréhension des besoins biochimiques précis pour que la bactérie puisse utiliser l'acide lipoïque de l'hôte pourrait nous permettre de concevoir des antimicrobiens qui ciblent spécifiquement le métabolisme bactérien. »
Enfin, cette découverte pourrait peut-être s'appliquer à d'autres bactéries, remarquent les chercheurs. D'autres bactéries comme Chlamydia trachomatis, Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes ont aussi des gènes apparentés au LplA, « ce qui suggère que l'utilisation de l'acide lipoïque de l'hôte pourrait jouer un rôle non reconnu dans la réplication de nombreuses bactéries pathogènes ».
« Science » du 17 octobre 2003.
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