Priorité de santé publique par sa fréquence et sa complexité, la douleur mobilise en France depuis plusieurs années les professionnels et l'opinion publique, les politiques mais aussi les responsables religieux, car l'approche culturelle y a toute sa place à côté des aspects purement médicaux.
Comme l'a rappelé le vice-président de l'Ordre des médecins, les textes relatifs à l'obligation de prendre en charge la douleur sont légion : code de déontologie médicale, textes sur l'éthique médicale européenne, code de santé publique, charte du patient hospitalisé.
Si pour les philosophes la souffrance reste une énigme, il n'en va pas de même pour le croyant. Le Dr Dalil Boubaker, recteur de l'Institut musulman de la mosquée de Paris et président d'honneur de l'association, a présenté une exégèse de la douleur dans le Coran avant de rappeler les principes de base de l'éthique médicale musulmane actuelle. Nombreux sont les sourates et versets du Coran évoquant les thèmes de la douleur et de la souffrance, tant sous leur aspect métaphysique que physique ou moral. L'adjectif « douloureux » y est retrouvé à soixante-douze reprises. Constitutionnelle de l'homme, la douleur dans l'islam, comme dans de nombreuses traditions religieuses, peut être transcendée car elle est un symptôme chargé de sens. Ce signifiant est d'abord lié au théocentrisme de la religion islamique, où « tout vient de Dieu et retourne à Dieu » et dont la pratique est « soumission confiante à la volonté de Dieu et acceptation de la condition humaine limitée ».
La patience du croyant
« Djihad intérieur », cette épreuve, vécue dans la discrétion et offerte à Dieu est l'aiguillon qui éprouve la « patience » du croyant, vertu cardinale de l'islam. Endurance, persévérance, voire résignation font partie intégrante de son éthique. Le substantif « patient » est l'une des 99 appellations de Dieu, et cet attribut atteint perfection et permanence chez les « rapprochés » de Dieu. Et Dieu n'est pas tenu pour responsable de la douleur de l'homme. Comme l'exégèse classique des versets 83 et 84 de la sourate 21 le montre, Job implore son Seigneur pour obtenir une trêve dans sa souffrance mais la douleur ne modifie en rien sa foi inébranlable. En revanche, la douleur n'a pas de valeur rédemptrice car « Dieu agréant le repentir d'Adam » (sourate 2, verset 37), la faute originelle est d'emblée pardonnée au musulman.
Ainsi, au-delà de l'attitude intérieure positive du patient face à son vécu douloureux, tout doit être mis en uvre pour le soulager. Les thérapeutiques et antalgiques à visée physique et psychique sont tous acceptables. Les interdits pesant sur certaines substances comme les opiacés sont naturellement levés en cas de nécessité. Les comités d'éthique musulmans s'appuient ici sur la sourate 5, verset 3. Dans le cadre des soins palliatifs, seuls euthanasie et suicide sont interdits.
Le Ramadan, quatrième obligation de l'islam mais non absolue, est réservé à celui qui le peut. Perfusions et prescriptions médicales sont strictement respectées pendant ce « mois de la patience ». Le médecin musulman, médiateur de la volonté de Dieu, a comme tout autre médecin une exigence de compétence technique. Son acte médical reste « objectif », laissant au patient la liberté de son vécu personnel. Ainsi, au-delà de toutes considérations religieuses, l'islam ne met aucun obstacle au traitement de la douleur physique et morale, ni pour le soignant ni pour le malade.
* Siège : Dr Meddane, 11, rue Gallieni, 93800 Epinay-sur-Seine.
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