L'ischémie met le cerveau en situation proche de l'hibernation

Publié le 28/09/2003
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Les mécanismes moléculaires qui conduisent à la tolérance à l'ischémie sont encore mal compris. Afin de faciliter le développement d'approches innovantes pour la thérapie des AVC, Mary P. Stenzel-Poore et coll. (Portland, Oregon) ont cherché à identifier des gènes impliqués dans ce processus neuroprotecteur.

Les résultats qu'ils ont obtenus permettent de faire un parallèle entre la neuroprotection induite par une brève ischémie et les mécanismes protecteurs associés à l'hibernation.
Stenzel-Poore et coll. ont choisi de travailler chez la souris. Ils ont obturé l'artère cérébrale moyenne des animaux soit brièvement (quinze minutes), pour mimer un préconditionnement, soit plus longuement (une heure), pour mimer une ischémie sévère. Chez un troisième groupe de rongeurs, une occlusion de l'artère cérébrale moyenne d'une heure a été réalisée soixante-douze heures après un préconditionnement d'un quart d'heure. Dans ce dernier groupe de souris, le préconditionnement conduit à un effet neuroprotecteur important au moment de l'ischémie sévère.
En réponse à une obturation de l'artère cérébrale moyenne, que celle-ci soit brève ou longue, il est apparu qu'un nombre important de gènes sont significativement surexprimés dans l'hémisphère cérébral lésé (voir encadré). En revanche, lorsqu'un préconditionnement précède une ischémie sévère, la majorité des gènes déréglés en réponse à l'attaque sont réprimés.
En outre, les gènes activés par une obturation brève de l'artère cérébrale moyenne sont différents de ceux activés par une obturation longue : les gènes dont l'expression est augmentée en réponse à l'ischémie sévère sont le plus souvent impliqués dans la réponse immunitaire ou d'autres mécanismes de défenses de l'hôte, alors que les gènes activés par un préconditionnement seul codent généralement pour des protéines qui participent au métabolisme ou à la régulation du cycle cellulaire.
Quant aux gènes réprimés en réponse à une ischémie provoquée après un conditionnement, ils sont en majorité impliqués dans des voies de régulation du métabolisme, du transport moléculaire et du contrôle du cycle cellulaire.
Le préconditionnement modifie donc radicalement la réponse génétique à l'ischémie. Reste à comprendre comment s'opère cette reprogrammation génétique.
Dans les cellules soumises à l'ischémie après un préconditionnement, la régulation négative de gènes contrôlant le métabolisme, le cycle cellulaire et l'activité des canaux ioniques rappelle tout a fait les mécanismes moléculaires associés à l'hibernation ou à d'autres conditions d'hypoxie. Dans l'ensemble de ces situations, les cellules s'adaptent au manque d'oxygène provoqué par une réduction de l'afflux sanguin, en réduisant de manière drastique leur métabolisme, allant jusqu'à arrêter la synthèse de certaines protéines et même bloquer leur cycle cellulaire. En outre, les rares gènes surexprimés en réponse à l'ischémie dans les cellules préconditionnées sont impliqués dans l'hypocoagulation, un autre processus observé chez les animaux en hibernation.
C'est peut-être grâce aux connaissances accumulées sur l'hibernation que de nouveaux traitements contre l'ischémie cérébrale verront le jour.

M. P. Stenzel-Poore et coll., « The Lancet » du 27 septembre 2003, pp. 1028-1037.

L'étude des transcriptomes

A l'issue des expériences, les animaux ont été sacrifiés et le contenu en ARN messagers des cellules de leur cerveau a été extrait, puis analysé, à l'aide de puce à ADN et d'autres techniques, telles que la PCR en temps réel et le northern blot. Les chercheurs ont ainsi pu comparer le transcriptome (c'est-à-dire l'ensemble des gènes exprimés) de l'hémisphère ischémique à celui de l'hémisphère non lésé. Par cette analyse, les chercheurs ont pu déterminer quels étaient les gènes dont l'expression est déréglée dans chacune des trois conditions d'ischémie testées.

Elodie BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7392