LE 15 DÉCEMBRE dernier, un accident d’irradiation externe est survenu au Chili sur un chantier de construction dans une usine de cellulose.
A la fin d’un travail de radiographie de soudure effectué en haut d’une tour, une source de gammagraphie est tombée de son guide sur une plate-forme située en contrebas. Le jour suivant, un ouvrier du chantier trouve l’objet sans savoir qu’il s’agit d’une source radioactive et le manipule à mains nues. Grâce à un groupe d’experts internationaux appelés en urgence, un diagnostic final est établi dès le lendemain : irradiations multiples focalisées sur plusieurs zones : tête, mains, poitrine et bas du dos.
Devant la gravité des brûlures radiologiques, l’ouvrier est hospitalisé le 28 décembre au centre de traitement des brûlés de l’hôpital d’instruction des armées de Percy à Clamart, dans les Hauts-de-Seine.
Comme l’explique le Dr Patrick Gourmelon, directeur de la radioprotection de l’homme à l’Irsn, la brûlure radiologique présente des caractéristiques très différentes de la brûlure thermique. Dynamiques, les lésions radio-induites de type gamma impliquent les tissus cutanés, sous-cutanés et les muscles sous jacents. En fonction de la dose reçue, elles peuvent apparaître tardivement, plusieurs semaines après l’irradiation, évoluer par vagues successives et progresser en surface et en profondeur jusqu’à la nécrose. La cicatrisation est très longue, les récidives imprévisibles et les douleurs, le plus souvent intolérables, sont résistantes aux opiacés. Le traitement classique est l’exérèse de l’ulcère ou de la nécrose suivie ou non par des autogreffes de peau. Face à un processus extensif, le seul recours thérapeutique est l’amputation.
Dans son malheur, la victime chilienne a toutefois eu la chance de bénéficier de deux innovations, l’une technique concernant l’évaluation de la dose reçue, et l’autre thérapeutique. Lors d’une prise en charge précoce de la brûlure radiologique (et donc en dehors d’une nécrose apparente), l’exérèse doit être étendue aux tissus potentiellement nécrotiques à terme, alors qu’ils apparaissent totalement sains au moment de la prise de décision. Pour la première fois au monde, une cartographie surfacique et en profondeur de la dose, obtenue à partir des recherches de l’Irsn dans ce domaine, a été mise à disposition de l’équipe médicale pour guider le geste chirurgical.
Une greffe de cellules souches mésenchymateuses.
La deuxième innovation concerne la stratégie thérapeutique employée pour le traitement de la brûlure radiologique de la main, dont trois doigts, au moins, nécessitaient l’amputation.
Les récents travaux de l’Irsn ont montré que dans des modèles d’irradiation accidentelle, les cellules souches mésenchymateuses (cellules souches tissulaires multipotentielles) ont la capacité de migrer vers les tissus et les organes lésés par les rayonnements ionisants et de s’y implanter.
Dans le cadre de la brûlure radiologique, il a été montré chez la souris humanisée que la greffe de cellules souches mésenchymateuses (MSC) humaines améliorait la vitesse et la qualité de cicatrisation de la lésion radio-induite avec une meilleure récupération fonctionnelle de l’activité locomotrice.
Avec le centre de transfusion sanguine des armées, qui a amplifié les MSC du patient à partir d’un prélèvement de moelle osseuse et les équipes médicales de l’hôpital Percy, «des résultats très prometteurs ont été obtenus près de quatre mois après l’irradiation», indique le Dr Gourmelon. L’ouvrier chilien, qui est toujours en observation, est «dans un processus de guérison plutôt que d’une aggravation» mais il est «impossible de contrôler les récidives», a-t-il prudemment ajouté.
«C’est une première, mais nous ne disposons pas du recul nécessaire pour savoir si cela va vraiment changer les possibilités de traitements des brûlures radiologiques», indique-t-il. L’enjeu de cette stratégie est de pouvoir soigner le syndrome aigu d’irradiation (irradiation globale) que l’on ne sait pas traiter au-delà d’une dose reçue égale ou supérieure à 12 grays.
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