IL NE FAUT PAS VENDRE la peau de l'ours, mais constater l'avance considérable de M. Obama dans les sondages relève du simple réalisme. Les instituts accordent au démocrate de 6 à 10 points d'avance sur le candidat républicain ; ils le donnent gagnant dans les swing states, ces États capables, à chaque échéance, de basculer dans le camp opposé à celui qu'ils ont choisi la fois précédente ; même en tenant compte des États encore indécis, M. Obama n'est pas loin, selon les sondages, d'avoir les 270 voix de grands électeurs nécessaires à sa victoire.
Le sénateur de l'Illinois a fait une campagne éblouissante ; en gros, au début de la campagne, il n'avait à son actif qu'un discours magnifique prononcé lors de la convention démocrate de 2004, discours qui, il est vrai, lui a donné instantanément une stature nationale ; candidat à 46 ans, avec une expérience politique relativement mince, il a été accueilli avec condescendance par les instances démocrates, qui, en 2007, avaient déjà opté pour Hillary Clinton.
Le thème de l'unité.
M. Obama a fait campagne sur le thème de l'unité du peuple américain, en s'efforçant de démontrer qu'il serait un président noir au service de toutes les communautés. Une attitude dont il ne s'est jamais départi et qui lui a valu, au début, le scepticisme de la communauté noire : elle voyait en lui ce qu'il est, non pas un descendant d'esclaves, mais un Américain de père africain.
Les erreurs, parfois graves, de la campagne de Mme Clinton ont achevé de consacrer la victoire de M. Obama dans son propre camp ; les hésitations des Noirs se sont transformées en une adhésion frénétique ; les Blancs, qui ont été les premiers à l'installer dans le succès, n'ont pas changé d'avis, principalement parce que les qualités d'orateur du candidat sont immenses et que, même s'il n'est pas toujours clair sur son programme, il sait soulever l'émotion comme personne depuis Kennedy.
OBAMA, C'EST MA CONCIDENCE D'UN TALENT ET D'UN BESOIN HISTORIQUE
De leur côté, les Républicains ont aligné des candidats qui soit semblaient insuffisants sur les plans de l'expérience et de la culture politique, soit étaient dépourvus de charisme. Bien que John McCain n'ait jamais été assez sobre (intellectuellement) pour satisfaire les voeux d'un parti républicain très collet monté, il a été choisi parce qu'il était le meilleur. Dès qu'il a été intronisé, il a été enfermé dans un dilemme : d'une part, l'indispensable allégeance au parti et à son credo, d'autre part, sa propre nature de râleur impénitent et de marginal. C'est la nature profonde de McCain qui en faisait un candidat intéressant ; c'est son soutien à un Bush très impopulaire et aux valeurs républicaines qui l'aura coulé.
Premièrement, il n'est pas, comme Obama, un bon orateur ; deuxièmement, il a rejoint à contrecoeur le parti hostile à l'avortement, favorable à la guerre, et dépensier qui refuse d'augmenter les impôts ; troisièmement, le choix de Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence s'est révélé fatal : après un début fulgurant qui ne fut qu'un feu de paille, Mme Palin est devenue le plus lourd passif de la campagne républicaine ; l'idée même qu'elle puisse devenir présidente au cas où M. McCain serait indisponible ou décéderait (il a 72 ans et n'est pas dans une forme extraordinaire) est intolérable aux yeux d'une majorité d'Américains, y compris de beaucoup de républicains. Mme Palin, qui a été très brièvement la riposte terrible de M. McCain au refus de M. Obama de proposer Mme Clinton comme candidate à la vice-présidence, s'est transformée, par ses propos infantiles ou révélateurs de son ignorance, en handicap peut-être insurmontable.
Le précédent de Reagan.
En bonne logique, M. Obama devrait donc remporter une victoire sans nuances, un peu comme Ronald Reagan en 1980, en obtenant à la fois une majorité populaire et une majorité forte de grands électeurs. Si, dans les jours qui viennent, M. McCain bénéficie d'un coup de théâtre (par exemple, l'arrestation de Ben Laden, fort improbable), M. Obama l'emportera quand même, mais de justesse.
Dans tous les cas, son accession au pouvoir aurait une qualité double et contradictoire : d'un côté, le peuple américain ne pouvait pas le rejeter, car il est le meilleur, et de loin, des deux candidats. En outre, les républicains sont disqualifiés par les huit années désastreuses des mandats de M. Bush, parce que, jamais comme aujourd'hui, l'Amérique n'a eu besoin d'un pouvoir central fort qui fixe une direction et procède à de profondes réformes ; d'un autre côté, et même si le phénomène est attendu depuis quelques mois, l'élection d'un Noir à la présidence sera un moment extraordinaire dans l'histoire des États-Unis.
M. Obama, indiscutablement, serait le président de l'espoir : celui qui mettrait un terme à des années d'incompétence et de gabegie, de décisions consternantes et de dépenses inutiles. Celui qui rendrait à l'Amérique l'autorité qu'elle a perdue depuis huit ans ; celui, surtout, qui redistribuerait, avec un minimum de justice, la formidable prospérité du pays. M. Obama est aussi le candidat préféré du monde : en Europe et ailleurs, il obtient des majorités qui sont en fait des plébiscites. Une fée s'est penchée sur son berceau : elle lui a donné un talent qui est celui que l'Histoire attendait, un talent dont l'Amérique a, ici et maintenant, un besoin pressant. M. Obama a fait de la crise de la civilisation américaine une analyse remarquable et porté un diagnostic indiscutable. Il lui reste à faire la synthèse : il a soulevé énormément d'espoirs et il lui en coûterait énormément de les décevoir.
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