LA VICTOIRE DE M. KERRY dans le Wisconsin n'est pas un triomphe : avec 39 % des voix, il ne devance que de quatre points John Edwards, sénateur de la Caroline du Nord, dont nous disions il y a plus d'un mois qu'il avait ses chances.
Il demeure que le parcours de M. Kerry est tout à fait remarquable, bien meilleur en tout cas - et jusqu'à présent - que celui de George W. Bush en 2000, battu à quelques reprises dans le Nord avant d'enlever le Sud, puis les Etats les plus peuplés. Ou que celui de Bill Clinton en 1992 : le futur président a fait une campagne marquée par divers scandales qui ont beaucoup freiné sa course, mais qu'il a pu surmonter.
L'avance de M. Kerry est telle qu'on peut se demander s'il faut attendre le supertuesday du 2 mars, avec sa flopée de délégués à prendre (plus de 1 100), pour annoncer qu'il recevra l'investiture du Parti démocrate. Car l'examen du rapport de forces est clair : le général Wesley Clark, candidat sérieux, a abandonné. Howard Dean, ancien gouverneur du Vermont, qui, il y a deux mois à peine, était présenté comme l'anti-Bush absolu et l'espoir des démocrates, n'a pas remporté une seule primaire (contrairement à M. Clark, qui a eu l'Oklahoma et à M. Edwards, qui a gagné dans son propre Etat, la Caroline du Nord).
Un cri de rage.
M. Dean, en outre, est un très mauvais perdant que la nécessité conjoncturelle a conduit à porter tous ses coups contre M. Kerry, en oubliant que les démocrates veulent un candidat capable de battre M. Bush. Le cri de rage qu'il a poussé le soir de sa défaite inattendue dans l'Iowa est resté dans toutes les mémoires américaines. Cri bestial et absurde qui, selon beaucoup de démocrates, le disqualifient comme président.
Mais ce n'est pas le cri qui compte, c'est ce qu'il montre, à savoir que cet homme perd parfois le contrôle de ses nerfs et qu'il peut céder à la jalousie et à la rancœur. C'est sa hargne qui le maintient dans la course contre toute logique : il est battu dans toutes les primaires qui ont lieu à ce jour et il n'arrive même pas en deuxième position, car il est battu aussi par M. Edwards.
Il ne faut pas être devin pour penser que le supertuesday confirmera l'avance irrésistible de M. Kerry et M. Dean n'aura plus alors qu'à reconnaître une défaite dont il a seulement différé l'annonce.
John Edwards peut-il menacer John Kerry ? Peut-être dans le Sud, mais sûrement pas dans l'Etat de New York, Etat le plus peuplé après la Californie et pas davantage en Californie où existe un « peuple de gauche » qui aurait pu voter Dean si Dean n'avait pas été en si mauvaise posture.
En finir avec Bush.
La sociologue Barbara Eichenreich, qui vient de publier un livre sur les exclus américains, affirmait récemment qu'elle préférait Dean à Kerry. Mais le choix de Dean rendrait inévitable la victoire de Bush à l'élection présidentielle.
Or, pour écarter cette fatalité, il faut impérativement proposer des options centristes. La furia égalitaire de Dean l'a marginalisé dans son propre camp, qui n'a qu'un objectif : en finir avec une administration qui a ajouté le mensonge à l'impéritie, le déficit budgétaire à une guerre inutile, l'alliance avec le complexe militaro-industriel à une baisse des impôts pour les riches.
Comme M. Kerry le dit fort bien, le gouvernement de M. Bush n'est pas un gouvernement conservateur comme les autres, c'est aussi un système dicté par des intérêts particuliers, une vision géopolitique qui s'est enfoncée dans les sables de l'Irak et un danger public.
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