Par les Prs ERIC de KERVILER*, ALAIN RAHMOUNI** et le Dr ROBERT LAVEYSSIÈRE***
LES PREMIERS outils d'imagerie corps entier – radiographie du squelette corps entier et scintigraphie osseuse en particulier – reposaient sur le principe de l'imagerie de projection. L'apparition des tomodensitomètres spiralés, puis multi- détecteurs, a permis de développer une imagerie corps entier en coupe. Plus récemment, l'imagerie corps entier tomodensitométrique a pu être couplée à une imagerie fonctionnelle utilisant le fluorodésoxyglucose (FDG).
La tomographie par émission de positons (TEP) – tomodensitométrie (TDM) – permettant la fusion des images TEP utilisant le FDG et TDM est actuellement une technique d'imagerie corps entier considérée comme extrêmement performante puisqu'elle arrive à coupler les informations morphologiques en haute résolution spatiale du scanner avec des informations fonctionnelles sur le métabolisme tumoral du glucose permettant d'apprécier l'« activité » de certaines tumeurs (2).
Une alternative potentielle.
Du fait de progrès technologiques, l'IRM corps entier est devenue depuis quelques années une alternative potentielle à ces techniques. L'IRM permet de combiner une bonne résolution spatiale – inférieure néanmoins à celle de la tomodensitométrie – avec une résolution en contraste optimale, permettant d'envisager son développement même si sa place reste à définir (3, 4, 5). Les techniques d'IRM fonctionnelle peuvent être couplées à l'IRM corps entier et apporter des informations complémentaires sur les caractéristiques tumorales.
Les progrès technologiques de l'IRM permettant de réaliser des examens corps entier incluent une meilleure homogénéité du champ magnétique permettant l'acquisition en champ de vue atteignant de 450 à 500 mm, la possibilité de déplacement de table entre chaque segment d'imagerie avec des vitesses de l'ordre de 20 cm/sec et un système multicanaux permettant le branchement simultané de plusieurs antennes.
Un meilleur rapport signal/bruit est attendu dès lors que plusieurs antennes en réseau phasé sont combinées. Enfin, l'utilisation de séquences de plus en plus rapides permet de raccourcir considérablement les temps d'acquisition de chaque segment. Introduites récemment, les techniques d'acquisition parallèle permettent de diminuer d'un facteur 2, voire 3, ou plus les temps d'acquisition avec un minimum d'artefacts. En recherche clinique.
L'IRM corps entier est utilisée en recherche clinique. Le contraste est généralement obtenu sur des séquences STIR ou T2 avec suppression de graisse pour les machines permettant une saturation homogène et sur des séquences en T1, notamment pour l'exploration de la moelle osseuse.
Les séquences en écho-planar permettent d'obtenir une imagerie de diffusion rapide en apnée ou avec asservissement respiratoire. Plusieurs articles ont rapporté l'intérêt de ces séquences de diffusion et de mesure d'ADC dans les tumeurs hépatiques, rénales et prostatiques. Les mesures d'ADC varient en fonction notamment de la densité cellulaire, augmentée dans les tumeurs malignes. Certains auteurs ont étudié les possibilités de caractérisation des tumeurs en utilisant les techniques de diffusion. Ces techniques de diffusion corps entier font l'objet d'une évaluation actuellement menée par l'équipe de radiologie du CHU Saint-Louis, à Paris.
Une autre approche en développement consiste à augmenter la résolution temporelle en IRM corps entier de façon à pouvoir enchaîner en séquences rapides pondérées en T1 plusieurs imageries corps entier après injection de gadolinium. Il est actuellement possible d'obtenir une résolution temporelle sur une imagerie corps entier inférieure à la minute permettant d'enchaîner les séquences et d'évaluer les prises de contraste après injection de Gadolinium. Tous ces développements ont fait l'objet de communications aux Journées françaises de radiologie 2007.
Dans le myélome.
L'IRM corps entier est déjà admise dans plusieurs domaines de la cancérologie pour la recherche de métastases ou d'anomalies de la moelle osseuse (2, 3). Dès à présent, la nouvelle classification des myélomes prend en compte l'IRM corps entier : classification dite de Durie Plus et apparaît comme une technique validée (6). Dans le myélome, plusieurs études accordent à l'IRM un rôle pronostique, notamment en termes d'évaluation de la masse tumorale (nombre et taille des lésions), mais aussi d'évaluation de l'angiogenèse des lésions par IRM dynamique, (appelée DCE Dynamic-Contrast-Enhanced-MRI) (7, 8, 9).
Le développement de l'IRM corps entier nécessite d'abord d'estimer et d'optimiser ces nouvelles techniques d'imagerie fonctionnelle, et d'évaluer leur apport dans la prise en charge des malades. Cela ouvre aussi la voie à une imagerie par résonance magnétique corps entier utilisant de nouveaux produits de contraste, plus spécifiques, au premier rang desquels les produits de contraste ganglionnaires. Enfin, l'apport des hauts champs magnétiques, dont le 3 Tesla en imagerie corps entier, sera à évaluer.
En conclusion, l'IRM corps entier n'est pas un examen irradiant, ce qui est important quand des patients sont suivis par des examens répétés. Cependant, les indications doivent être discutées collégialement car cette technique en évaluation nécessite des appareils performants, une mise au point minutieuse des protocoles et n'est pas disponible partout. Cette technique n'est pas prise en compte par la tarification (CCAM/T2A), alors qu'elle nécessite un temps de réalisation assez long (jusqu'à 45 minutes) et un temps d'interprétation rallongé incluant celui de chaque région anatomique, le posttraitement et la quantification des informations fonctionnelles et morphologiques.
* Service d'imagerie médicale, CHU Saint-Louis, Paris.
** Service d'imagerie médicale, CHU Henri-Mondor, Créteil. *** Sarcelles.
(1) Lauenstein TC et al. Am J Roentgenol 2002;179:445-449.
(2) Schmidt GP et al. Eur Radiol 2006 ; 16:1216-1225.
(3) Antoch G et al. JAMA 2003;290:3199-3206.
(4) Schmidt GP et al. Invest Radiol 2005 ; 40:743-753.
(5) Lauenstein TC et al. Top Magn Reson Imaging 2005 ; 16 : 15-20.
(6) Durie SG. Eur J Cancer 2006;42:1539-43.
(7) Baur-Melnyk A et al. Eur J Radiol 2005;55:56-63.
(8) Walker RW et al. J Clin Oncol 2007;25:1121-8.
(9) Hillengass J et al. Clin Cancer Res 2007;13:475-81.
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