On connaît chez l'homme un certain nombre de déficits héréditaires en lipoprotéines, l'abêtalipoprotéinémie, l'hypobêtalipoprotéinémie familiale, la maladie de Tangier. Dans ces affections monogéniques, les gènes en cause ont été identifiés : leurs produits interviennent dans le transport ou l'assemblage des lipoprotéines. Chez la souris également, des déficits en lipoprotéine ont été reconnus. Contrairement à l'homme, toutefois, la plupart des gènes n'ont pas été identifiés. C'est l'identification de l'un de ces gènes qui est rapportée dans « Nature Genetics ».
A l'origine des travaux, une observation paradoxale. Chez des souris KK, qui présentent habituellement une obésité modérée, et un syndrome proche du diabète de type 2 humain (hyperinsulinémie, hyperglycémie, hyperlipidémie), des chercheurs japonais ont au contraire observé des taux plasmatiques de lipides anormalement bas, malgré l'hyperinsulinémie et l'hyperglycémie, l'une et l'autre conservées. Cette souche, dite KK/San, devait donc être mutante. Les croisements entre animaux ont confirmé la nature héréditaire du trait, qui se transmet sur un mode autosomal récessif.
Une protéine exprimée dans le foie
Le locus a ensuite pu être localisé sur le chromosome 4, et le gène finalement identifié par clonage positionnel. Il s'agit du gène codant l'angiopoïétine-like 3 (ANGPTL3), protéine connue depuis 1999 pour s'exprimer essentiellement dans le foie. Il s'agit par ailleurs d'un gène très conservé, dont on retrouve un homologue chez l'homme.
Ce gène, retrouvé muté chez les souris KK/San, est selon toute vraisemblance impliqué dans la régulation du métabolisme lipidique. L'administration I.V. de la protéine purifiée (300 microg) s'accompagne en effet d'une élévation rapide des triglycérides plasmatiques (de quatre à cinq fois en une heure). Le phénomène a été observé aussi bien chez des souris KK/San, que chez des animaux normaux. Par ailleurs, chez des animaux transfectés par un adénovirus recombinant pour le gène Angpt/3, la protéine a pu être détectée dans le plasma. Il s'agit donc bien d'une protéine circulante, impliquée dans la régulation du métabolisme lipidique.
Sur le mécanisme de cette régulation, on ne dispose à vrai dire que d'éléments imprécis. En premier lieu, la concomitance du phénotype d'hyperinsulinémie et du déficit en lipoprotéine chez les souris KK/San paraît indiquer une dissociation du mécanisme de régulation des lipides par ANGPTL3 et des mécanismes du diabète. En second lieu, un motif cystéine que l'on retrouve au niveau du site actif de toutes les angiopoïétines, fait défaut dans la protéine ANGPTL3. Il est donc peu vraisemblable que cette dernière se comporte comme un facteur de croissance de l'endothélium vasculaire. Il reste maintenant à déterminer comment elle se comporte.
Il reste aussi à préciser la signification chez l'homme de données obtenues chez l'animal. A priori, on ne connaît pas de diabétique déficitaire en lipoprotéine. En revanche, il n'est pas exclu qu'à l'inverse de ce qui a été observé chez l'animal, certains polymorphismes du gène humain favorisent le métabolisme lipidique. De tels patients pourraient éventuellement bénéficier d'interventions visant à limiter le taux circulant d'ANGPTL3. La manuvre pourrait également être envisagée dans l'hyperlipidémie « tout-venant ». En attendant, une étude du gène et de la protéine s'impose chez l'homme.
R. Koishi et coll. « Nature Genetics », février 2002.
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