LES ANNÉES SOIXANTE, avec l'émergence du mouvement hippie, ont marqué une étape importante dans la sexualité des adultes. Elle se vit sans entraves, le seul mot d'ordre est le plaisir, enfin dissocié de la reproduction avec l'arrivée de la pilule contraceptive en 1967. La sexualité n'est plus un tabou. On peut s'en réjouir, mais Didier Lauru et Laurence Delpierre expliquent que les enfants d'aujourd'hui sont perturbés par un environnement devenu hypersexualisé. «Il ne s'agit pas, précisent-ils, de plaider pour un retour à l'ordre moral, mais d'insister sur le fait que les enfants ne sont pas des adultes miniatures. Certaines images, certains discours ne sont pas de leur âge, on ne peut pas tout dire devant eux. Pour qu'ils se construisent harmonieusement, il convient de respecter leur sexualité infantile et la temporalité qui lui est propre. La pudeur qu'elle impose n'est en aucun cas de la pudibonderie?»
L'indispensable frustration.
On sait depuis Freud que les enfants ont une sexualité qui doit passer par certaines étapes bien précises nécessaires à leur construction psychique et à un développement harmonieux. Elever des enfants n'est pas chose facile car la norme est devenue floue, les interdits moins clairs. Notre société semble en perte de référence. Chaque parent croit bien faire sans se douter des méfaits d'une trop grande proximité affective. Pour les auteurs, se laver avec ses enfants, les accepter dans son lit, les câliner sans cesse risque d'entraîner une confusion entre l'intimité des enfants et celle des parents. Chacun doit respecter l'autre. «Si des bornes doivent être impérativement fixées par les parents pour que les enfants n'empiètent pas sur leur vie privée, elles ne prendront tout leur sens qu'à partir du moment où, de leur côté, les parents respecteront la vie privée de leur enfants, si jeunes soient-ils. Comment se situer, comment savoir si on transgresse si rien n'est dit ni interdit? Les interdits et les limites servent à domestiquer les pulsions. Ils imposent un déplaisir immédiat, mais permettent ainsi un apprentissage de la frustration indispensable à la socialisation de l'enfant, qui doit apprendre à différer la satisfaction immédiate d'un plaisir ou d'une pulsion.»
Pas facile pour les enfants de sortir de la phase oedipienne et d'intégrer l'interdit de l'inceste. Pour Didier Lauru, «ceux qui négocient mal ce cap oedipien sont intolérants à la frustration, n'arrivent pas à gérer leurs conflits psychiques internes, développent un comportement violent à l'égard d'eux-mêmes et des autres comme s'ils étaient dans l'impossibilité de faire leur deuil de leur toute-puissance. Dès qu'ils rencontrent un obstacle dans leurs apprentissages comme dans leurs relations affectives, ils sont dans l'incapacité de le surmonter. D'où une instabilité psychique, très douloureuse à vivre pour eux comme pour leur entourage.»
Les auteurs soulignent que l'éducation à la frustration positive est sans doute le fondement qui va permettre le déclin de l'oedipe. Les pulsions seront mises en jachère jusqu'à la puberté grâce au refoulement. Et ce dernier semble mis à mal dans une société où la sexualité est montrée et décrite sous toutes ses formes sans retenue.
Toutes les interférences de notre environnement actuel avec les étapes du développement de l'enfant jusqu'à l'adolescence sont détaillées par les auteurs. La libération sexuelle a mis fin à une hypocrisie et à une pudibonderie délétères, mais elle a aussi ses failles. «Le mécanisme du refoulement ne peut pas disparaître car il est essentiel à l'équilibre de la psyché humaine et constitue le noyau de l'inconscient», concluent-ils.
Didier Lauru, Laurence Delpierre, « La sexualité des enfants n'est pas l'affaire des grands », Hachette Littératures, « Psycho », 1 376 pages, 12,90 euros.
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