La flore intestinale de l'hôte constitue la première ligne de défense. Le côlon abrite entre 400 et 500 espèces bactériennes à des concentrations pouvant atteindre 10 puissance 11 micro-organismes par gramme de fèces. La flore intestinale endogène représente environ 10 puissance 14 bactéries, soit dix fois le nombre de cellules du corps humain. Elle est constituée d'une flore dominante (Bacteroides, Bifidobacteruum, Eubacterium et Peptostreptococcus) et d'une flore sous-dominante (Streptococcus, Lactobacillus, Enterococcus, Clostridium, Bacillus, Levures...). La flore transitoire est représentée par les bactéries exogènes qui traversent l'intestin après ingestion.
Augmenter le nombre de bactéries bénéfiques
Les bactéries commensales ont un effet protecteur vis-à-vis des microbes pathogènes entériques. C'est à ce niveau que l'action des probiotiques est le mieux démontrée. En effet, ceux-ci modulent la composition de la microflore, dans le sens d'une augmentation du nombre de bactéries bénéfiques (Lactobacillus et Bifidobactérium) et d'une réduction des bactéries potentiellement nuisibles (Clostridium et Enterococcus). Il est probable qu'ils agissent en privant les pathogènes de substances nutritives spécifiques, en rendant indisponibles les sites de liaison, en abaissant le pH luminal et en produisant des substances antimicrobiennes. Les probiotiques sont également capables de diminuer l'activité des enzymes procarcinogènes produites par la flore intestinale.
Outre son action directe contre les pathogènes, la flore intestinale intervient sur les deux autres lignes de défense, en modulant l'épithélium et le système immunitaire.
La fonction barrière de l'intestin
Long de sept mètres, l'intestin est tapissé d'une muqueuse, dont la surface avoisine celle d'un cours de tennis (200 m2). L'épithélium intestinal est une couche monocellulaire, recouverte de mucus viscoélastique, constitué de mucines de haut poids moléculaire (sécrétées par les cellules calciformes) et de glycocalyx (synthétisés par la plupart des cellules épithéliales). Non seulement le mucus constitue une barrière physique, mais il interfère aussi avec l'adhérence des bactéries pathogènes à leurs cibles.
Autre dispositif central de défense, les « jonctions serrées » sont des structures protéiques macromoléculaires qui relient les cellules épithéliales les unes aux autres. Elles forment une barrière intercellulaire qui maintient une perméabilité intestinale équilibrée. Si les pathogènes peuvent développer des mécanismes pour altérer l'intégrité de ces jonctions serrées, il existe aussi des mécanismes de protection capables de rétablir la fonction barrière.
Enfin, l'épithélium est capable de produire des agents antimicrobiens : peptides trefoil, petites protéines résistantes aux protéases qui protègent contre certaines toxines bactériennes ou des agents chimiques ; ou cellules de Paneth, capables de détecter et d'attaquer des bactéries entrant dans les cryptes situées entre les villosités.
Au niveau de cette deuxième ligne de défense, les probiotiques modifient la couche de mucus et pourraient ainsi inhiber l'adhésion des bactéries pathogènes aux cellules intestinales. Ils renforcent l'intégrité de la barrière lorsque celle-ci est menacée par des agents pathogènes.
Un véritable organe lymphoïde
La troisième ligne de défense est représentée par le GALT (Gut-Associated Lymphoid Tissue). Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses contient environ 80 % des cellules du système immunitaire. Le GALT contient plus de lymphocytes que l'ensemble des organes lymphoïdes secondaires. Les mécanismes immunitaires mis en uvre dans l'épithélium intestinal sont capables de mobiliser le système immunitaire général de l'organisme, que ce soit l'immunité humorale impliquant les lymphocytes B ou l'immunité à médiation cellulaire impliquant les lymphocytes T.
En réalité, le GALT doit distinguer en permanence les antigènes inoffensifs présents dans les aliments ou sur les bactéries commensales et les agents pathogènes. Ces mécanismes de reconnaissance ne sont pas connus. Il semble que la réaction inflammatoire soit utile pour éliminer les pathogènes, mais celle-ci doit être contrôlée afin d'éviter le risque de propagation de l'inflammation. Une réponse inflammatoire très modérée se produit dans la muqueuse, ce qui lui permet de tolérer la flore endogène. Cette stimulation permet de maintenir cette ligne de défense constamment activée.
Probiotiques et immunité locale
Les bactéries n'ont pas toutes la même capacité d'induction de réponse inflammatoire. La flore résidente ne provoque qu'une réponse légère ; alors que la modification de la flore entraîne une réponse importante.
Au niveau de cette troisième ligne de défense, les probiotiques modulent les paramètres de l'immunité en augmentant la production de cytokines, l'activité phagocytaire, la production d'anticorps et les populations de cellules NK. Ils sont également capables de moduler la prolifération de lymphocytes (in vitro), d'anticorps spécifiques et non spécifiques. Enfin, ils modulent l'inflammation de la muqueuse.
Au total, l'alimentation, et tout particulièrement l'apport de probiotique, interfère sur les trois lignes de défense intestinale. Ces actions font l'objet de nombreux travaux de recherche, dont les résultats très prometteurs nécessitent néanmoins d'être confirmés et précisés.
Probiotiques et prébiotiques
- Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, après avoir été ingérés, survivent dans le tractus intestinal. Apportés en quantité suffisante, ils ont des effets bénéfiques pour la santé. Un aliment probiotique est un aliment contenant une souche probiotique et qui conserve ses qualités jusqu'à la fin de la durée de vie du produit.
- Les prébiotiques sont des substances alimentaires, généralement non digestibles, qui stimulent de façon sélective la croissance d'une flore considérée comme bénéfique pour la santé. C'est le cas, par exemple, des oligosaccharides contenus dans le lait maternel ou des fructo-oligosaccharides présents dans certains légumes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature