Rappel technique
Quelques détails de technique chirurgicale méritent d’être rappelés. L’abord de l’articulation malade se fait, en général, sous garrot pneumatique, par une longue voie médiane antérieure (centro-patellaire ou discrètement déportée en direction médiale) ; le genou est ensuite corrigé de ses déviations pathologiques et les ligaments périphériques rééquilibrés ; les coupes osseuses sont effectuées, schématiquement, parallèlement aux surfaces articulaires altérées qu’elles suppriment (resurfaçage) ; les pièces prothétiques sont ensuite (après essai préalable) mises en place : pièce fémorale condylaire totale, coffrant le massif fémoral distal retaillé ; pièce tibiale assemblant en général une embase métallique fixée sur le plateau tibial recoupé et une surface articulaire polyéthylénique ; pièce rotulienne constituée d’un bouclier polyéthylénique muni de petits pédicules de fixation. Avant fixation définitive de ces pièces (scellement), des pièces d’essai identiques sont utilisées afin de vérifier la qualité de la restauration mécanique articulaire : équilibrage des ligaments, niveau de l’interligne articulaire, amplitudes de restauration de mobilité, alignement global du membre...
Complications postopératoires précoces
Même correctement réalisée, cette chirurgie peut se solder par une ou plusieurs complications de gravité variable. De telles complications sont heureusement rares mais impossibles à éliminer totalement. Nous ne ferons qu’en évoquer les principales :
– atteintes neurovasculaires : une occlusion artérielle peut se produire sur un terrain prédisposant dont la gravité a été sous-estimée en préopératoire ; une lésion du nerf sciatique poplité externe peut être observée après importante correction d’une déformation significative, principalement en valgus ;
– complications cutanées de différentes natures guettent cette chirurgie délicate : retard de cicatrisation, voire désunion de la voie d’abord, zones de nécroses ;
– complication thromboembolique (phlébite du mollet plus ou moins étendue et sa conséquence redoutable, l’embolie pulmonaire). La prophylaxie thromboembolique fera appel aux héparines à bas poids moléculaire (sous surveillance des plaquettes), aux anticoagulants oraux (sous surveillance des paramètres de coagulation), aux bas de contention (ou autres dispositifs de compression intermittente), à la mobilisation postopératoire précoce et surtout à la surveillance vigilante, clinique éventuellement confortée par l’examen Doppler ou la phlébographie.
La survenue d’une quelconque de ces complications est, certes, grave, mais elles constituent l’exception plutôt que la règle et l’expérience des équipes soignantes permet en général de les prévenir, ou d’en contrôler la gravité sans trop interférer sur le résultat fonctionnel final.
Les résultats initiaux envisageables
Au terme de quelques semaines de rééducation – soit guidée en centre spécialisé, soit simplement supervisée en ambulatoire –, le patient retrouve une autonomie complète, le genou ayant progressivement recouvré indolence et mobilité. L’amplitude de mobilité est variable d’un opéré à l’autre, de l’ordre, en général, d’une centaine de degrés.
La rapidité des progrès est inégale et peut imposer, en cas d’insuffisance patente, au terme du premier mois, une mobilisation sous anesthésie.
Les complications plus tardives
Elles imposent une démarche analytique diagnostique dans laquelle l’imagerie, surtout conventionnelle, joue un rôle capital. Nous survolerons ces complications qui n’obèrent, à terme, qu’une minorité de résultats de cette intervention.
–Le descellement: il s’agit de la désolidarisation d’une ou de plusieurs des pièces prothétiques du segment squelettique qui les supportent. Les premiers signes de ce descellement sont des « liserés radiographiques », c’est-à-dire des zones d’effacement des trabécules osseux en bordure de la prothèse. De tels liserés, s’ils sont étendus ou progressent lors de radiographies successives, confirment le descellement, que ce dernier soit ou non symptomatique.
–L’infection: elle réalise différents tableaux dont le plus déroutant est celui d’un descellement, qui, contrairement au précédent, purement mécanique, se révèle plus diffus à l’ensemble des éléments prothétiques et se situe dans un contexte infectieux plus ou moins patent.
Le diagnostic différentiel descellement mécanique/descellement infectieux impose le recours à des bilans biologiques et à diverses scintigraphies (scintigraphie standard ou aux leucocytes marqués).
–L’instabilité: il s’agit de tout un spectre de dysfonctions de la mécanique arthroplastique, pouvant aller de déséquilibres ligamentaires occasionnant des mouvements anormaux incontrôlés à des désordres encore plus sévères tels que des subluxations ou des luxations.
–Les complications du polyéthylène: elles sont diverses (usure, fragmentation, fractures...) et peuvent s’intégrer à d’autres complications.
–L’ostéolyse: il s’agit d’un appauvrissement squelettique au voisinage immédiat du ou des implants, tirant sa source de phénomènes à la fois mécaniques (détournement des contraintes physiologiques trophiques du squelette) et biologiques (résorption ostéoclastique induite par des débris d’usure). Elle n’est pas toujours facile à objectiver ou à cerner dans son étendue réelle du fait de sa possible dissimulation sur les radiographies par la prothèse elle-même. Son évolutivité quasi constante conduit à la reprise (ou révision) prothétique.
–Les fractures périprothétiques: elles intéressent le tiers distal de fémur ou le tiers proximal de tibia et nécessitent des solutions thérapeutiques individualisées et hautement spécialisées.
–Les problèmes fémoro-patellaires et de l’appareil extenseur. Qu’il s’agisse de luxation, de subluxation ou de fracture de rotule, cette pathologie de l’appareil extenseur est susceptible d’hypothéquer la qualité du résultat d’une prothèse totale de genou et impose des solutions chirurgicales adaptées à chaque situation.
–Le genou algique inexpliqué: c’est une entité volontiers passée sous silence par la plupart des manuels consacrés à la prothèse totale du genou. Il s’agit de toute façon d’un diagnostic d’élimination de certaines des complications précédemment énumérées et susceptibles d’être non encore pleinement exprimées (descellement, infection...).
Il peut également s’agir de phénomènes d’ostéolyse difficiles à objectiver par l’imagerie traditionnelle et que seuls certains protocoles de scanner ou d’IRM sont en mesure de dévoiler. Ces genoux prothétiques algiques inexpliqués ne légitiment pas une reprise chirurgicale de principe, car celle-ci n’a de chances valables de succès que si elle a établi les raisons exactes de l’échec de l’intervention prothétique initiale.
En fait, cette énumération impressionnante de complications ne doit surtout pas faire perdre de vue qu’elles ne concernent qu’une minorité de patients opérés, la très vaste majorité de ces derniers obtenant des résultats satisfaisants et durables.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature