L'interrogatoire, c'est la moitié du diagnostic

Publié le 23/05/2007
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LE TEMPS DE LA MEDECINE

«LE MÉDECIN doit écouter, examiner et comprendre la personne qui souffre du dos et, dès la première consultation, envisager une collaboration avec elle vers la guérison qui est possible dans la très grande majorité des cas. C'est vous qui apportez la clé du diagnostic d'un doigt plus ou moins hésitant en désignant le lieu de vos souffrances.» A en juger par l'injonction du Pr Claude Hamonet, s'il est un domaine où l'examen clinique demeure indispensable, c'est celui du mal de dos. Pourtant, dans son dernier ouvrage*, il dénonce une approche trop médicalisée qui conduit à multiplier radiographies, scanners et IRM. «Ce qui a pu faire dire que l'on soigne l'image et non le patient, rappelle-t-il. A l'arrivée, il faut deux chaises pour accueillir le consultant dans notre bureau: l'une pour le patient et son dos, l'autre pour les images de son dos».

Un doigt sur le mal.

Pourtant, un examen clinique simple permet le diagnostic de la lésion responsable, dans la très grande majorité des cas. «Il constitue le premier pas vers le diagnostic exact et la guérison. Le médecin qui touche le patient à l'endroit de ses douleurs crée un contact direct et rassurant qui permet un échange direct et rassurant qui permet un échange constructif pour la suite. Il a, au sens propre, “mis le doigt sur son mal”», explique le spécialiste de médecine physique et de réadaptation, créateur, il y a plus de trente ans, des Ecoles du dos. L'objectif est d'abord de dédramatiser. Les souffrances de cette région du corps sont souvent très pénibles et les médecins doivent en être convaincus. Mais dans la collaboration qu'il instaure avec son patient, le médecin doit veiller à ne pas soulever chez le patient plus d'inquiétude et d'angoisse. Des mots tels que « hernie discale », « arthrose » et autres « tassements », la notion effrayante de « dégénératif » ou stigmatisante de « chronique » peuvent induire, chez l'intéressé, la notion de fragilité vertébrale, de risque permanent d'accident mécanique très pénible, voire dangereux. «Bref, de faiblesse et de perte de confiance en son axe vertébral, celui qui soutient toute la charpente du corps.»

Plus qu'une maladie, le mal de dos participe à l'expression d'un mal-être psychosocial.

Au XXe siècle, il a été considéré comme le mal du siècle. Et, rappelle le Dr Jean-Yves Maigne**, si le mal de dos a commencé à l'aube de l'humanité, il n'y a guère plus d'une vingtaine années qu'on en parle. «Auparavant ignoré du grand public en tant que problème de santé publique, il ne fut considéré par les médecins comme une vraie maladie qu'à partir des années 1960 ou 1970», explique le responsable du service de médecine physique de l'Hôtel-Dieu (Paris).

La pathologie vertébrale reste encore peu enseignée. Le diagnostic repose pourtant sur un examen minutieux, pas en quatre minutes après avoir jeté un coup d'oeil sur les radios et avant de prescrire un anti-inflammatoire et vingt séances de rééducation.

Il doit comprendre quatre temps : l'interrogatoire, la palpation, la réflexion et la décision de traitement. Par les questions à poser : Où avez-vous mal ? Qu'est-ce qui déclenche la douleur ?, il ne faut pas hésiter à aller au plus intime : Quelle personne êtes-vous ? «Connaître son ou sa patiente, c'est aussi connaître sa gêne, voire sa souffrance, ou du moins mieux la comprendre», souligne le Dr Maigne.

Au terme de cet interrogatoire, la moitié du travail aura été fait : «Il n'y a pourtant là nulle trace de technique avancée, d'imagerie moderne ou d'investigation sophistiquée», poursuit-il.

Ce que perçoit la pulpe.

L'examen de la région lombaire et celui du cou viennent ensuite tester les hypothèses du médecin quant à l'origine des douleurs : palpation des tissus, palpation de la colonne et examen des jambes, la recherche du fameux signe de Lasègue (manoeuvre de Lasègue) et des réflexes ostéo-tendineux. Examiner un dos, c'est d'abord apprécier la tension des différents groupes musculaires : «Il faut pour cela des doigts exercés qui palpent sans agressivité. Ce “doigté”-là ne s'acquiert pas facilement», note le spécialiste qui regrette que «les étudiants en médecine ne reçoivent plus aucune éducation palpatoire au cours de leurs études. Le tact devient chez eux un sens atrophié. Ce que perçoit la pulpe des doigts est pourtant plus important que ce que montrent les radios.»

Ce n'est qu'au troisième temps de l'examen, celui de la réflexion qui précède la décision de traitement, que l'on peut éventuellement s'aider d'explorations complémentaires, en particulier les radios et parfois un scanner.

Ils jouissent chez les patients aussi «d'une excellente renommée. Indolores, remboursés, beaux à voir et gratifiants, ils sont toujours volontiers acceptés, presque avec reconnaissance, car les patients disent qu'ils sont enfin pris au sérieux».

Discipline pourtant jeune, la science du dos fait appel aussi bien au raisonnement qu'à l'intuition, à l'intelligence comme à l'habileté manuelle, à la technique comme à la psychologie. Les examens complémentaires y sont certes nécessaires, mais l'examen clinique y garde toute sa place. Comme le résume le Pr Hamonet, ce qui est toujours demandé aux médecins est d'être «moins mécaniciens et lecteurs d'images et davantage cliniciens».

* « Prévenir et guérir le mal de dos », Odile Jacob, février 2007, 21,50 euros.
** Auteur de plusieurs ouvrages sur le mal de dos, en particulier de « Mal de dos au féminin », Editions du Rocher, 224 pages et de « Soulager le mal de dos », Masson, 320 pages.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8171