SELON l’AVANT-PROJET de loi de prévention de la délinquance, qui a fait l’objet d’un examen en comité interministériel du 24 mai, l’internement psychiatrique est étroitement lié à la question de la sécurité, avec l’aval de la Santé. Cela signifie que le psychiatre dont le patient trouble l’ordre public devient un auxiliaire de justice tout en exerçant de manière pleine et entière sa fonction de médecin.
Le projet prévoit que l’hospitalisation d’office (HO) relève d’une compétence accrue des maires. Comme les préfets, Nicolas Sarkozy veut qu’ils puissent décider d’une HO dans les affaires qui «compromettent la sûreté (d’autrui) ou portent atteinte à l’ordre public». Aujourd’hui, les premiers magistrats des villes exercent leurs fonctions de police pour une HO quand il y a «un danger immédiat», un péril imminent, comme ce peut être le cas avec un forcené. Ils sont à l’origine d’une HO sur deux.
La période d’observation du malade en crise – d’un forcené qui aurait troublé la tranquillité d’un quartier, par exemple –, à l’issue de laquelle une HO devient effective ou est écartée, passerait de 24 à 72 heures. La disposition préconisée par un rapport de la Direction générale de la santé répond à une demande des psychiatres, qui se plaignent d’avoir à prendre trop souvent des décisions rapides, explique en substance au « Quotidien » Rachida Dati, conseillère technique au cabinet de Nicolas Sarkozy. En ce qui concerne la levée de l’hospitalisation d’office, le préfet en serait le dernier décideur après «avis convergents de deux psychiatres».
Le ministère de l’Intérieur souhaite créer un fichier national dans lequel figureront les hospitalisés d’office, jusqu’à cinq ans après la fin de leur internement. Inspiré par les fichiers « Hopsy », gérés par les Ddass depuis 1978 et qui mentionnent les hospitalisés à la demande d’un tiers, le fichier national comportera des données à caractère exclusivement administratif.
Une hospitalisation n’est pas une garde à vue.
Pour le Dr Jean-Charles Pascal, président de la Fédération française de psychiatrie (FFP), «le plus préoccupant, dans la préparation de ce projet de loi de prévention de la délinquance, c’est le manque d’interactivité avec les instances de la psychiatrie». Ni la FFP, ni la Conférence des présidents des commissions médicales d’établissement des hôpitaux psychiatriques et des hôpitaux généraux disposant de services de psychiatrie dans le secteur public (Dr Yvan Halimi) n’ont été consultées. A propos du fichier, «on voit très bien comment il pourra être utilisé, dès que se présentera un problème de sécurité. En fait, on déplace dans l’espace purement sécuritaire ce qui appartient au médical. Qu’il renferme ou non des données cliniques, la police consultera un fichier de personnes ayant reçu des soins», fait remarquer au « Quotidien » le
Dr Jean-Charles Pascal. Quant au rôle du maire, le psychiatre ne cache pas sa «crainte, liée à une dérive de l’HO, celle-ci répondant à la question de la sécurité dans un espace de temps donné, en dehors d’une procédure judiciaire. Or on ne va pas dans un hôpital pour être gardé à vue mais pour être soigné».
Reste l’allongement de la durée d’observation du malade. «Là encore, ce qui doit dominer, c’est la volonté d’engager une action thérapeutique, dit le praticien. Aussi, un certificat médical préalable est indispensable. Il doit stipuler que la personne a besoin de soins et s’y refuse, sans quoi, le malade se trouvera dans un statut juridique intenable. J’insiste, en termes de soins, la garde à vue, ça n’existe pas.»
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